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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 février [1848], mardi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon doux adoré, bonjour le plus adorable et le plus adoré des hommes, bonjour. Je te remercie de m’avoir laissé toute liberté pour aller à cette messe. Peut-être n’en userai-jea pas car le temps est fort menaçant mais s’il s’éclaircit d’ici à 2 h. – je prendrai l’omnibus et j’irai à ce mariage. C’est une promesse que j’ai faite et dont je tiens à m’acquitter, autantb que la chose est possible. J’ai trop peu d’occasionc de faire une simple politesse à ce brave M. Démousseau qui est tout obligeant et tout gracieux pour moi pour ne pas saisir avec empressement celle-ci puisqu’il a paru y tenir par l’insistance qu’il y a mise. Cependant s’il pleuvait à seauxd je n’irais pas et encore moins s’il y avait quelques démonstrations d’émeutes [1]. J’espère être de retour avant que tu n’ailles à la Chambre. Il faudrait que la messe ait été retardée pour que je ne sois pas rentrée à une heure. Je tiens trop à te voir pour m’arrêter la cérémonie une fois terminée et puis encore il n’est pas sûr que j’y aille. Dans tous les cas merci, mon bien-aimé – de m’avoir donné cette latitude de faire ce que je voudrai à ce sujet. Je reconnais tout ce qu’elle a de bon, de complaisant et de doux et je t’en suis reconnaissante. Tu es le meilleur des hommes comme tu en es le plus beau et le plus grand. Je t’adore, je baise tes chers petits pieds avec amour. Je te souris, je te porte et je te dirai S’IL A CRIÉ QUAND IL M’A MORDUE [2]. Baise-moi C’EST TONIQUE et aime-moi si tu veux que je sois GEAIE mon Toto, je t’aime, mon Toto je vous adore et je vous baise de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 79-80
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « n’en n’userai-je ».
b) « en temps ».
c) « trop peu d’occasion ».


22 février [1848], mardi après-midi, 3 h. ½

Je suis bien contente d’être rentrée assez tôt pour t’avoir vu, mon doux adoré. Tu ne peux pas te figurer, à partir d’une heure moins un quart, combien le temps m’a paru long. Je craignais de te manquer et j’en avais toutes sortes d’impatiences. Heureusement que j’en ai été quitte pour la peur. Maintenant je voudrais que tu aies les mêmes besoins que moi et que tu reviennes aussitôt la séance de la Chambre finie, ce qui n’est guère probable à cause des conversations particulières qui s’engagent après la séance. Cependant aujourd’hui tout le monde doit être pressé de rentrer pour calmer les inquiétudes de chacun des siens. Je voudrais bien que tu aies la même sollicitude pour moi et que tu reviennes au plus vite me rassurer, quoique je n’aie rien vu jusqu’à présent ni rien entendu qui soit de nature à m’alarmer. Pourtant je ne serais pas fâchée de te tenir auprès de moi pour tout le reste de la soirée. Je fais des vœux pour que cette séance soit courte et pour que rien ne te retienne loin de moi. Malheureusement je ne peux pas faire davantage, à mon grand regret. Je t’aime, je t’attends, je te désire, je t’adore et je te baise bien plus que mes forces et bien plus que plein mon cœur.

Juliette

BnF mss, NAF 16366, f. 81-82
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

Notes

[1L’interdiction par Guizot du dernier banquet de la campagne républicaine provoque le soulèvement de la population parisienne. L’émeute durera jusqu’au 24 février, jour de la proclamation de la République par le gouvernement provisoire, mettant fin à la Monarchie de juillet.

[2Citation récurrente sous la plume de Juliette Drouet, à élucider. Même chose pour le « c’est tonique » qui suit.

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