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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 février [1848], samedi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour mon pauvre bien-aimé, bonjour je t’aime et toi ? J’espère que tu as passé une bonne nuit et que tu es moins inquiet qu’hier et que tous ces jours derniers. J’attends une bonne résolution de ton Charlot et il me semble impossible qu’elle ne vienne pas bientôt. J’attends, je prie et j’espère.
Bonjour, mon cher petit [ratichon  ?] vous m’avez riffaudé [1] le cœur et cependant que je ne veux pas que n’importe qui vous ESBIGNE [2], dussé-jea vous LIGOTER moi-même comme un [TORTOUSE  ?]. Je ne vous lâcherai pas entier ; vous pouvez compter là-dessus et en faire ce que vous voudrez.
Avec tout cela vous ne m’avez pas dit si vous auriez séance aujourd’hui dans votre BOCCARD. Il est vrai que cela ne m’aurait pas servi à grand-chose puisque je ne sais pas comment aller vous rejoindre. Tout cela n’est pas très drôle et demanderait un supplémentb de réjouissances publiques et privées. Malheureusement vous n’êtes pas souvent disposé à ce genre de plaisanterie ce qui fait que je regarde trop souvent tourner mon ombre sur mes pieds [3]. Cette occupation peut être très poétique pour une fleur mais elle n’est que très ennuyeuse pour une Juju comme moi. Je ne vous le cache pas au contraire. Je voudrais vous le dire assez pour vous inspirer le désir de varier mes ennuis en m’en donnant de nouveaux. Baisez-moi et ne soyez pas triste ou je vous fiche des coups.

Juliette

MVH, 9020
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux

a) « dussai-je ».
b) « suplément ».


19 février [1848], samedi soir, 4 h. ¾

Vous êtes un fier gueux [4]. Quand je pense que vous avez eu la scélératesse de me prendre mon pauvre petit parapluie de force, tout ce que j’ai d’indignation, de colère et de mépris me clapote dans le ventre et se précipite vers les VOIES BASSES pour arriver plus vite à vous. Si jamais je vous tiens suspendu par une VANTERNE, six étages au-dessus du niveau de l’entresol, vous êtes bien sûr que je BALANCERAI si cruellement votre [TORTOUSE  ?] que vous ne jouerez de MON ORGUE de longtemps. Et dire que je ne peux même pas me donner une malheureuse LIMACE quand j’en ai besoin ! Décidément il n’y a rien à [AFFURER  ?] avec vous et je ferais mieux de demander mon CARTON sur le GRAND [TRIMAR  ?] que de rester plus longtemps enfermée comme un [illis.] dans un BOCARDa [5]. Vous voyez que sans avoir été comme vous au COLLÈGE je suis assez forte sur la langue de PANTIN et que je pourrai au besoin damer le pion à la ROUSSE et à tous les FAGOTS PLANQUÉS ou non. En attendant vous avez tiré votre crampe avec mon malheureux parapluie et Dieu sait quand je le reverrai et dans quel état je le verrai. J’en frémis d’avance mais prenez garde à vous. Le désespoir peut se changer en fureur et le SOURINAGE [SURVIDER  ?] à la BONIFACERIE.

Juliette

MVH, 9021
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux

a) « BOCAR ».

Notes

[1Brûler, incendier.

[2Terme populaire qui signifie « s’échapper ». (Littré)

[3Paraphrase du poème écrit pour Juliette Drouet par Victor Hugo « La pauvre fleur disait au papillon céleste… » : « Mais non, tu vas trop loin ! – Parmi des fleurs sans nombre / Vous fuyez, / Et moi je reste seule à voir tourner mon ombre / À mes pieds. » (Les Chants du Crépuscule, XXVII)

[4Citation de Ruy Blas.

[5En métallurgie, un bocard est une machine qui écrase la mine avant de la fondre. (Littré)

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