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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 février [1848], jeudi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon Toto, bonjour et mille millions de baisers avec. Comment vas-tu ce matin ? As-tu bien dormi ? Moi je vais très bien et j’ai fait un bon somme de cinq heures tout d’une traite, ce qui ne m’était pas arrivé depuis longtemps. Aussi ce matin je suis toute guillerette et disposée à jouer des jambes tant qu’on voudra. Le temps est doux et le soleil reluit comme au printempsa. Cela me donne des démangeaisons de promenade avec toi, que le diable en prendrait les armes. Malheureusement ce n’est pas en me grattant que je ferai disparaître ces démangeaisons-là, au contraire, et il n’est pas probable que d’ici à longtemps tu sois en mesure de me donner la moindre satisfaction à cet endroit-là.
Je t’avais proposé d’aller t’attendre à Saint-Germain-l’Auxerrois pour me laisser la faculté de sortir de bonne heure sans te gêner en rien. Tu verras quand tu viendras tantôt à me dire si ce projet t’agrée. Du reste je n’y tiens pas autrement et je te prie de ne pas te gêner pour me dire si tu y vois le plus petit obstacle. Avant toute chose, je ne veux pas t’ennuyer et te faire obstacle en rien, soit que tu travailles, soit que tu marches, soit n’importe quoi. Je veux que ma vie ne te gêne en rien et que tu ne t’aperçoives de ma présence qu’à mon amour. Jour Toto, jour mon cher petit o. Je vous aime, je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 59-60
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « aux printemps ».


10 février [1848], jeudi, midi ¾

Tu m’as promis de venir avant d’aller à l’Académie et je compte sur ta bonne promesse. Je t’attends bientôt à moins que tu ne sois de beaucoup en retard. Si tu veux me laisser faire le chemin avec toi je serai bien contente et je m’apprête dans cet espoir-là. Si cela te gêne pour ton travail, je n’insiste pas et je te fais de bonne grâce le sacrifice de cette douce joie. Je sens trop bien combien ton travail est chose importante pour y faire volontairement le moindre obstacle. Je t’attends avec une tendre impatience et je t’aime plus que plein mon cœur. Je crois que j’aurai fini ce soir de bonne heure tout ce que j’ai à copier [1]. Il serait bon que tu puissesa me lire tout de suite la suite ou n’importe quel chapitre de ton beau livre. L’important est que je ne te fasse pas attendre après la copie et que j’aie fini en même temps que toi. Pour cela il faut que je ne perde pas de temps car il paraît que tu es de beaucoup en avance sur moi. Je voudrais autant que possible que cette copie fût toutb entière de moi. Tu comprends ce qu’il y aurait d’humiliant pour moi à ce que des griffouillages quelconques viennent se mêler à ma BELLE ÉCRITURE. D’y penser, j’en ai la chair de poule. Aussi je m’y oppose de toutes mes forces et je te prie de ne pas t’opposer à me laisser faire mon chef-d’œuvre tout entier.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 61-62
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « tu puisse ».
b) « toute entière ».

Notes

[1Depuis 1845, Juliette Drouet copie le manuscrit de Jean Tréjean puis des Misères, futurs Misérables.

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