29 août [1841], dimanche matin, 9 h.
Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon cher bien-aimé. Je t’aime mon Toto, je t’adore mon ravissant petit homme. Je ne veux pas que tu sois fâché contre moi. Je n’ai jamais de tort de cœur envers toi, mon Toto, et pour ceux qui viennent de mon caractère, ce n’est pas de ma faute. Je fais bien tout ce que je peux pour le dompter mais je n’en viens pas à bout, ce n’est pas ma faute. Tout ce que je peux faire de plus efficace, c’est d’éviter toutes les occasions qui l’excitenta [et ?] c’est pour cela que je voulais renoncer à continuer ces petits arrangements. Avant tout bien-être et tout plaisir intérieur, je veux que tu m’aimes, je veux que tu ne craignes pas de venir chez moi. Le reste m’importe peu. Quand je dis que cela m’importe peu, entendons-nous, il m’importe beaucoup d’avoir vos petits dessins et de pouvoir les regarder à tous moments. Aussi je ne fais pas la petite bouche et j’accepte avec empressement tout ce qui pourra aider à les accrocher sur mon mur, depuis les plus beaux cadres de la Renaissance jusqu’aux plus hideux petits cadrillons de bois vermoulus que vous aurez dans votre grenier. Voilà qui est convenu. Je viens de faire descendre les cadres des glaces, ils sont atroces comme goût, mais ils sont dorés. Celui du propriétaire est même tout frais. Je pense qu’on pourra peut-être encadrer le portrait de mon père [1] avec l’un d’eux, ce serait toujours mieux que ce papier collé qui ne fait pas bien du tout. Il est vrai que cela nous supprimera un cadre mais nous n’en avons guère besoin puisque nous manquons de dessins. D’ailleurs tu décideras cela comme toujours. Ce que tu voudras sera ce qu’il faut. Je le reconnais d’avance, comme je le reconnais pour le passé et le présent. Et puis, mon Toto adoré, avant toute chose ton amour. J’ai besoin que tu m’aimes autant que j’ai besoin de t’aimer, l’un ne va pas sans l’autre.
Comment vont tes yeux et ta gorge, mon pauvre petit ? Le poivre ne t’a pas fait trop de mal ? Il faut convenir que je suis bien maladroite. Je t’en demande pardon, mon pauvre amour.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16346, f. 183-184
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « excite ».
29 août [1841], dimanche matin, 9 h. ¼
Eh ! bien, mon Toto menteur, avez-vous le front de nier encore que vous n’êtes pas à Paris depuis hier ? Vous en êtes très capable mais moi je suis aussi très capable de vous fiche des coups comme à un vilain blagueur que vous êtes [2]. Je voudrais bien savoir quand vous reviendrez, scélérat, car je m’ennuie copieusement dès que vous n’êtes plus autour de moi.
Mlle Hureau est venue hier au soir me dire qu’elle partait pour Troyes vendredi prochain et qu’elle y resterait au moins quinze jours. Elle m’a dit qu’elle avait retenub une place conditionnellement dans le cas où je me serais décidée à y envoyer Claire, mais comme nous ne partirons malheureusement pas avant une quinzaine de jours [3], ce ne serait donc qu’une semaine à peu près qu’elle passerait seule à la pension, ce qui ne vaut pas la peine de dépenser quinze francs et de contracter une obligation nouvelle envers Mlle Hureau [4]. Du reste, le renvoi de Buessard se confirme de plus en plus, ainsi nous voilà débarrassés de ce cuistre [5]. Quant à la CUISTRESSE c’est différent, elle reste plus que jamais mais avec son correctif l’excellente Mlle Hureau, ce qui est encore fort tolérable [6].
Dites donc vous, à propos, je vous aime. Quand reviendrez-vous ? Je vous préviens que je suis déjà au bout de mon courage et ma patience. Dépêchez-vous donc d’arriver bien vite.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16346, f. 185-186
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « retenue ».