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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 mars [1843], vendredi soir, 7 h.

Depuis que tu es parti mon cher bien-aimé, je n’ai pas perdu une minute et je viens seulement de finir à présent mes quinze mille tours. Cela ne m’a pas empêchéea de penser à toi, de t’aimer et de trouver que tu étais très gentil d’être venu ce matin, et surtout très naïf en suivant à la lettre mon désir de te voir jaloux de moi. Seulement ton obéissance se ressentait de l’empressement avec lequelb tu t’exécutais, ce qui fait que ton sujet était mal choisi. Une autre fois, tu te presseras moins et tu choisiras mieux que ce matin, n’est-ce pas mon pauvre petit espiègle ?
Je voudrais bien savoir où vous alliez en sortant de la maison tantôt ? Vous n’avez pas tourné votre coin d’habitude et vous ne m’avez pas même regardéec. Je vous tancerai d’importance tout à l’heure : quand je dis tout à l’heure, c’est-à-dire quand il vous plaira de venir et Dieu sait que vous ne vous casserez pas les jambes pour accourir plus vite. Taisez-vous, espèce de monstre. Taisez-vous et venez bien vite.
J’ai mes comptes de la fin du mois à faire ce soir. Fichtre, ce n’est pas ce qui m’amuse le plus. Cependant je les ferai parce que, je me connais, quand je laisse passer un jour, j’ai encore plus de peine à m’y remettre.
J’ai pensé à une chose, mon Toto, qui fera que tes gilets seront bien raccommodés. En attendant, tu n’en manques pas encore puisqu’il y en a deux que tu n’as jamais mis. Tâche aussi, mon bon petit Toto, si tu y pensesd, à m’apporter toutes tes vieilles chemises. Je voudrais donner tout ensemble à Eulalie.
Voici enfin le mauvais temps revenu. Quel bonheur ! du moins pour ce qui reste de représentations car avec les haines qu’il y a et la pièce de Mme Girardin avec Mlle Rachel passant à Pâques [1], je crains que nous n’ayons pas longtemps à profiter de ce magnifique mauvais temps. Enfin, quoi qu’il arrive, prenons toujours ce que le bon Dieu nous envoie et remercions-le. Je voudrais bien avoir à le remercier demain d’une bonne représentation. En attendant, je le prie pour qu’il envoie la peste et le choléra-morbus à tous les ennemis et je t’aime plus que jamais.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 275-276
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « empêché ».
b) « laquelle ».
c) « regardé ».
d) « pense ».

Notes

[1La Comédie-Française a programmé Judith de Delphine de Girardin.

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