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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 mars 1843

10 mars [1843], vendredi matin, 11 h. ¼

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour, mon adoré petit homme, m’aimes-tu ? Moi je t’aime, je t’aime, je t’aime, je voudrais baiser tes pieds, je voudrais mourir pour toi.
Sais-tu quel jour on a donné la première représentation des Burgraves ? Le jour de la Sainte PERPÉTUE, la seconde le jour de la Sainte FRANÇOISE et la troisième, demain, jour de Saint EULOGUE. Le hasard a donné à ces trois jours trois noms significatifs qui en disent plus qu’ils ne sont gros. Pour ma part, je suis charmée que le calendrier se mêle aussi de la partiea et fasse son feuilleton en trois mots : succès qui se perpétue, gloire Françoise (ancienne orthographe) et enfin St Euloge patron du caissier du Théâtre-Français le jour où l’on joue Les Burgraves. La manière dont je dis cela n’a pas beaucoup de sel mais je t’assure cependant que dans le choix de ces trois noms, il y a quelque chose de très spirituel, de très flatteur et de très charmant. Le hasard n’est pas si bête qu’on le dit car parmi tous les noms du calendrier, il aurait pu tout aussi bien choisir St Pierre ou St Paul s’il n’y avait pas mis une intention de compliment et une petite pointe de prophétie. Il y a eu d’autres premières représentations, d’autres auteurs qui ont pu se trouver avec le même à propos : le jour de St Mellon, de St Gilles ou de Sainte Balbine. Tu vois bien maintenant que le hasard ne fait rien au hasard lorsqu’il s’agit de toi, mon Toto ravissant. Je te dis cela si bêtement que tu ne me sauras aucun gré de la remarque mais je t’assure cependant que c’est très gentil et très drôle au fond.
Je t’aime, mon Toto. Tout m’est un sujet de penser à toi, de t’admirer et de t’adorer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 219-220
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « parti ».


10 mars [1843], vendredi soir, 6 h. ½

Je croyais, j’espérais, mon bien-aimé, qu’aussitôt ta pièce passée, nous nous appartiendrions un peu plus et je vois que je me suis trompée. Il est vrai de dire que, grâce à l’acharnement stupide de tes ennemis, tu es obligé de suivre les représentations plus longtemps et avec plus de soin que de coutume. C’est ce qui fait que je ne te vois pas mais, mon pauvre adoré, que devient l’amour et que devient le bonheur dans tout ça ? Pauvre ange, je ne veux pas te tourmenter et je le fais malgré moi, tant le besoin de me plaindre de cette longue continence de cœur et d’âme me pèse et m’attriste. Mais je sais que ce n’est pas ta faute, mon bien-aimé, je sens qu’il faut que tu surveilles ta pièce. Je ne suis pas injuste, mon Toto chéri, seulement je t’aime, voilà tout.
Je pense que Lanvin m’amènera ma péronnelle [1] ce soir. Cependant ça n’est pas sûr mais dans tous les cas, ce serait pour demain matin. Je tiens beaucoup à lui faire voir et bien voir ces sublimes Burgraves, et puisque tu me promets la petite loge d’hier, c’est une occasion magnifique dont je veux qu’elle profite.
J’ai encore cherché et recherché Satan [2] sans le trouver et je suis sûre, comme de moi-même, que tu ne l’as pas apporté. Personne d’ailleurs ne touche à rien chez moi et d’ailleurs il n’y vient personne. Ainsi vous m’avez flouée de mon Satan, vous êtes une bête et un méchant Toto et je veux que vous me disiez où je pourrai le louer pour le lire pour deux sous. J’enverrai la farce et je saurai ce que Satan dit de vous VIEUX DIABLE. Baisez-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 221-222
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

Notes

[2Journal de Petrus Borel.

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