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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 août 1847

5 août [1847], jeudi matin, 8 h.

Bonjour, vilain sâle, bonjour q u e que ché on chon. Vous verrez qu’il vous arrivera d’affreux malheurs un de ces jours avec votre manie de ne rien vouloir laver de ce qui se mange. En attendant vous avalez la crasse et le jus de tous les teigneux de France et de la banlieue. C’est appétissant. Voime, voime Toto est un horrible porc. Ceci est un fait acquis à la postérité.
J’aurais voulu pouvoir aller chez Mme Tissard aujourd’hui en même temps que j’allais pour ma robe parce que c’était sur mon chemin en revenant de chez Mlle Féau mais je ne le pourrai pas en partant à 2 h. ½. Ce sera pour une autre foisa. Tu sais que ce pauvre Fouyou est le plus malheureux des minets et qu’il éprouve le plus grand besoin de passer huit nuits dans son jardin tout de suite. Ce que je t’en dis n’est pas pour moi mais pour lui. Quant à moi je n’y tiens pas, voime, voime, pas du tout ; mais j’ai pitié de ce pauvre chat. D’y penser cela me fend le cœur en tout petits morceaux. Du reste cela m’est égal, très égal, parfaitement égal. Je vous le répète encore une fois, ce qui me fait de la peine c’est le chagrin de cet infortuné Fouyou. Si vous étiez vraiment grand et généreux comme beaucoup de gens se plaisent à le croire, vous ne le feriez pas attendre une minute de plus. Alors vous seriez vraiment un noble pair de France, un grand Toto, un généreux homme mais, mais, mais enfin nous verrons. En attendant je vous baise dix cent mille.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 176-177
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « autrefois ».


5 août [1847], jeudi, midi ¾

Je m’aperçois que j’ai pris mon papier comme feu le roi Dagobert sa culotte. Cela ne m’arrête pas, au contraire. Je vous dirai que je me suis arrangé un ravissant petit buvard auquel je vous défends de toucher jamais. Vous avez le vieux défoncé, c’est assez bon pour vous. Je vous y ai mis une provision de papier de toutes les dimensions, ainsi vous n’avez pas besoin de fourrer votre nez dans mes affaires. Je veux avoir mon chez MOI et y être la MAÎTRESSE : c’est bien le moins. Vous savez ce pauvre Fouyou, il pleure. Moi je n’y peux rien mais vous c’est différent. Non, vous n’avez pas le cœur dur, c’est le chat qui le dira à la postérité quand vous comparaîtrez tous les deux devant elle. Quant à moi, je ne peux que pleurer avec lui, ce pauvre Fouyou, voilà la seule consolation que j’aie à sa disposition. C’est bien mais c’est peu.
J’entame aujourd’hui le hideux papier. Aussi vous en voyez le résultat : il boit comme un sonneur. Enfin, vous le voulez. Je me soumets avec la persuasion que cette prétendue économie n’est qu’une lâche et basse jalousie que vous n’osez pas avouer. Mais vous avez beau me donner des éponges à la place de papier, des balais à pot de chambre en guise de plume et de l’eau claire pour de l’encre, mon style se joue et triomphe de toutes ces difficultés à votre nez et à votre barbe d’académicien. Je ne vous en veux pas, je vous plains. Si je n’avais pas toujours aussi mal à la tête je me permettrais même de me ficher de vous, mais la migraine l’emporte sur le fou rire et je me renferme dans une grave et majestueuse mystification. C’est moins drôle mais c’est plus grand. Voime, voime, baisez-moi et taisez-vous, je vous le permets.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 178-179
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

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