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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 février [1843], vendredi matin, 11 h. ¼

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon petit homme chéri. As-tu pris un peu de repos cette nuit ? Comment va ta gorge ? Est-ce que tu as encore ta leçon ce matin ? Tu devrais, puisque tu es fatigué, t’arrêter un peu mon cher petit. Ce n’est pas un jour de plus ou de moins, puisque la représentation ne peut avoir lieu qu’en mars, qui peut te retarder et au moins cela te reposerait un peu. Pauvre adoré, tu étais exténué cette nuit. C’est vraiment bien triste pour moi qui donnerais ma vie pour toi de te voir dans cet état sans pouvoir te soulager. Enfin, tout ce que je dirai n’y fera rien. Il te faudrait du loisir et tu n’en as pas, au contraire les embarras se multiplient autour de toi, et pour ma part je ne suis pas le plus léger de tes fardeaux et on pourrait dire de moi ce qu’on disait de Mme de Pompadour passant sur le Pont Neuf [1]. Que faire mon pauvre adoré ? J’ai beau chercher, je ne vois rien. Je ne peux que t’aimer et Dieu sait comment je m’en acquitte.
Sais-tu, mon cher adoré, que si ta fille se marie le jour que tu m’as dita, ce sera juste le jour anniversaire de notre amour [2] ? J’y ai pensé tout de suite et je suis sûre que cela lui portera bonheur. Pauvre enfant, je ne serai pas la dernière ni celle qui priera le moins pour elle ce jour-là.
Je t’aime, mon Toto bien-aimé. Je t’aime de toutes mes forces, de tout mon cœur et de toute mon âme. Je te dis toujours la même chose. Je n’aurai qu’un liard mais je veux ton cœur comme appoint, c’est bien le moins je crois.
J’ai un mal de tête fou, voilà près de deux heures que je ne dors pas sans pouvoir ouvrir les yeux tant je souffre. Il fait cependant bien beau temps ce matin. Tâche de me faire sortir si tu peux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 105-106
Transcription de Olivia Paploray, assistée de Florence Naugrette

a) « que tu me l’as dit ».


3 février [1843], vendredi soir, 5 h.

Ce que j’avais prévu est arrivé, mon Toto, j’ai là une lettre de la Ribot. Quoique je ne l’aie pas décachetée, je reconnais l’écriture. Une chose redouble ma contrariété dans cette insipide affaire, c’est la presque impossibilité de savoir au juste à quoi s’en tenir sur l’argent qui a été touché. Le Démousseau y met peu d’empressement et l’atroce sorcière n’y mettra aucune bonne foi de sorte que je prévois une série de pourparlers et d’ennuis indéfinis et hideux. Enfin je ferai ce que tu voudras. Tu verras ce que contient sa lettre et tu me dicteras une réponse.
Que fais-tu mon cher adoré dans ce moment-ci ? Moi je pense à toi mais je n’ai pas de moment pour ça. Tous mes moments, toutes mes actions, toute ma vie sont à toi et pour toi. Je voudrais bien cependant savoir où tu es, ce que tu fais et si tu penses à moi, si tu vas bientôt venir et si tu m’aimes ?
Il fait bien vilain. J’espère que tu auras eu le courage de mettre tes bottes neuves car avec ton mal de gorge, l’humidité peut faire beaucoup de mal ? Je voudrais te les fourrer, tes chers petits pieds, dans l’endroit le plus doux et le plus chaud de toute ma personne, au moins je serais sûre qu’ils n’auraient pas froids.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 107-108
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

Notes

[1À élucider.

[2Le mariage de Léopoldine avec Charles Vacquerie est prévu le 16 février 1843. C’est le jour du dixième anniversaire de la rencontre amoureuse de Juliette et Hugo. Finalement, la cérémonie sera avancée de vingt-quatre heures.

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