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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 29 novembre 1856, samedi soir, 4 h.

Je ne veux pas, mon cher bien-aimé, que ce vilain mois sombre, de jours courts, de brouillard et de déménagement [1], s’achève sans avoir renouveléa avec ton cher petit cœur adoré le bail emphytéotique de la restitus quotidienne. Donc, à partir d’aujourd’hui, je reprends toutes mes douces habitudes, j’allais dire tous mes droits, de Juju. Aussi, vous n’avez qu’à vous bien tenir car, vu la proximité, c’est à bout portant maintenant que je vous décocherai toutes mes tendresses et tous mes baisers. Me voici donc enfin votre voisine ! Il me semble que ce rapprochement de nos deux maisons rapproche aussi nos deux âmes et que nous nous aimerons de plus près à présent qu’il n’y a presque plus d’intervalle entre nos deux personnes. Je crois déjà sentir que j’entre plus avant dans ta vie et je suis sûre que le doux rayonnement de ta présence dore déjà toutes les espérances de bonheur qui remplissent mon pauvre cœur. En attendant que nos deux existences s’enlacent l’une à l’autre encore plus étroitement, je suis heureuse, oh ! oui, bien heureuse, de vivre à côté de toi, de voir tes arbres préparer leur lessive d’hiver, d’entendre les aboiements de tes chiens et de regarder aller et venir autour de ta maison tout ce peuple d’ouvriers, flânant comme un seul homme dont ce serait l’état. Sans compter les échappées de vue de ton lucoot et la perspective trop rare, hélas ! de ton gilet de flanelle rouge. Béni soit le jour où j’ai eu l’inspiration de venir voir cette HOUSE TO BEb LET [2] ! Béniec soit ta persévérante insistance auprès de la vieille et peu facile Allez ! Béni soit tout ce qui, de près ou de loin, a contribué à réaliser ce rêve presque chimérique de notre vie côte à côte et de nos lits presque mitoyens. Béni soit toi, mon doux adoré, béni soit Dieu qui m’accorde cette suprême joie de pouvoir t’aimer presque sous ton regard. Tout ce que le cœur peut donner de reconnaissance et d’adoration, je te le donne ainsi qu’à lui.

Juliette

Bnf, Mss, NAF 16380, f. 269.
Transcription de Mélanie Leclère, assistée de Florence Naugrette.
[Souchon, Massin]

a) « renouvellé ».
b) « by ».
c) « béni ».

Notes

[1Victor Hugo a emménagé à Hauteville House le 5 novembre 1856 ; il note : « Couché pour la première fois à Hauteville House et dans une maison à moi ». Quelques jours après, Juliette Drouet, emménage à La Fallue, d’où elle a vue sur Hauteville House. (O.C. de Victor Hugo, Tableau synchronique, 1855-1860, tome x, Jean Massin, p. 1561) La lacune des lettres de Juliette à Victor depuis le 3 novembre empêche de savoir quel jour Juliette a emménagé dans sa nouvelle maison.

[2L’expression anglaise correcte pour « maison à louer » serait « house for rent ».

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