Guernesey, 24 mars 1856, lundi matin, 9 h.
Bonjour, mon cher petit homme, bonjour je vous aime, tâchez d’en faire autant de votre côté pour que nos deux cœurs se rejoignent bout à bout dans un doux et [illis.] embrassement. À propos je trouve que tu prends bien de la peine pour persuader à ces pauvres petits Préveraud de ne pas faire une sottise à laquelle ils sont décidés coûte que coûte. Je rage vraiment quand je te vois semera les perles de ta bienveillance et de ta bonté devant des bourgeois stupides qui n’ont pas plus de dignité que des pourceaux et qui ne distinguentb pas l’honneur que tu leur fais de la familiarité humiliante du premier [serdeau [1] ?] venu. Quant à moi je n’ai pas l’air de m’apercevoir de leur cacade [2] ridicule et je les laissec barboterd à leur aise. Telle est la mesure de ma SOLIDARITÉ envers des citoyens de ce calibree. Autant je fus dévouée à tous ceux qui comprenaient la grandeur de ton sacrifice et l’abnégation sublime de ton génie pour la cause de l’humanité, autant j’ai d’éloignement et de répulsion pour les vulgaires égoïsmes des petits bêtasf [filés ?g] de bourgeois et de démocrate. Mais je t’aime par-dessus tout cela et par-dessus les étoiles et au-delà.
Juliette
BnF, Mss, NAF, 16377, f. 96
Transcription d’Élodie Congar assistée de Chantal Brière
a) « semé ».
b) « distingue ».
c) « laisses ».
d) « barbotter ».
e) « ce qualibres ».
f) « bêtats ».
g) « filé ».