Guernesey, 7 mars 1856, vendredi matin, 9 h. ½
Bonjour, mon bon petit homme, bonjour, comment allez-vous ce matin ? Je ne vous fais pas l’injure de vous croire encore au lit quoique vous ayez peut-être passé une partie de la nuit au trou-Madame [1]. Je ne vous demande pas non plus si vous viendrez de bonne heure aujourd’hui quoique ce ne soit pas jour de poste ; d’abord parce que mes questions ne vous arrivent que lorsqu’il n’est plus temps pour vous d’y répondre sans compter que je vous écris sur du petit papier très agaçant qui se dérobe [2] sous ma plume comme le verglas sous le pied et que je suis forcée de le piquer d’outre en outre pour y faire tenir mes mots et empêcher mon STYLE de s’y épater lourdement. C’est tout de même une fichue invention que du papier PELURE pour des plumes ÉPINGLES ; quant à moi j’ai toutes les peines du monde à me tirer de cette espèce de [illis.] gribouilleux. Heureusement que mes tendresses ne perdent rien à se produire la tête en bas les [pieds en haut ?] et à défaut d’équilibre calligraphique, les baisers ont des ailes qui vont directement au but et sans trébucher parmi tous les obstacles de la papeterie moderne. Donc je vous aime CARRÉMENT et je vous embrasse PYRAMIDALEMENT au risque de vous ATTRAPERE qui est-ce qui bisque ??????a [Toto ?] Toto ! toiiiiiiiiiii !!!b
BnF, Mss, NAF, 16377, f. 80
Transcription de Chantal Brière
a) Les six points d’interrogation courent jusqu’au bout de la ligne.
b) Le pronom toi comporte onze fois la lettre i et est suivi de trois points d’exclamation.