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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 juillet [1847], mardi, 8 h.

Bonjour, mon Toto, bonjour, mon âme, bonjour. Je te demande pardon du maussade accueil que je t’ai fait cette nuit et pourtant ce n’est pas ma faute car aujourd’hui encore, je prévois que je vais passer une journée atroce à la douloureuse pesanteur que je sens. Je ne sais à quoi attribuer ce mal de tête si ce n’est à la chaleur, mais je serai bien malheureuse s’il faut que je le garde longtemps. Pourvu que ce soir je ne sois pas aussi engourdie que la nuit passée, c’est tout ce que je demande. J’ai tant besoin de te voir que je ne me console pas de la plus petite occasion perdue par ma faute INVOLONTAIRE. Je voudrais être à dimanche pour demander au médecin qu’il me débarrasse de cette [illis.] indisposition. Vraiment mon Victor bien-aimé, je crains une congestion cérébrale. Ce que j’éprouve n’est pas ordinaire, même pour moi qui ai l’habitude des maux de tête depuis que j’existe. Dans ce moment-ci je suis tout étourdie, il me semble que je rêve en t’écrivant. Cela ne m’empêche pas pourtant de t’aimer de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 156-157
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette


13 juillet [1847], mardi après-midi, 3 h. ½

Je suis bien patraque, mon Toto, et bien malheureuse. Ma pauvre tête est plus prise que jamais et je sens bien que ce n’est pas ma migraine ordinaire. Je suis comme une pauvre folle. Je vais et je viens dans ma maison sans pouvoir trouver quelque soulagement. J’ai essayé de m’étendre sur la chaise longue et d’y dormir mais cela ne m’a pas réussi. J’ai cherché à m’agiter en m’occupant dans ma maison et c’est encore pire. De lire me fait mal enfin, je suis comme dans l’enfer ; je ne sais pas ce que cela deviendra mais ce que je sais c’est que je dois te paraître mortellement ennuyeusea et vieille ganache [1]. Ta galanterie t’empêchera d’en convenir ouvertement mais intérieurement tu n’en es que plus convaincu de cette hideuse vérité. Cependant je ne t’ai jamais mieux aimé. Autant ma tête est mauvaise pour les besoins de ma vie, autant mon cœur est bon pour le service de l’amour. Il est impossible de mieux fonctionner, avec plus d’activité et d’ardeur, mais hélas ! cela ne suffit pas pour paraître jeune et aimable. J’en fais la triste expérience depuis longtemps déjà. Je t’aime, je t’adore, je [illis.].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 158-159
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « ennuieuse ».

Notes

[1Figuré et populaire : personne dépourvue de talents et d’intelligence. Au théâtre, emploi masculin de vieux ridicule.

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