Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1847 > Juin > 14

14 juin 1847

14 juin [1847], lundi matin, 8 h.

Bonjour, mon Toto, bonjour, mon cher petit homme adoré, bonjour, beau discours, beau succès et tâchez de ne pas en abuser pour incendier les FAUMES qui vous entendront. Moi j’irai toujours vous chercher, au risque de revenir sans vous car il est peu probable que vous soyez libre tout de suite après la séance. Encore un bonheur qui me passera devant le nez comme tous les autres. Mais je ne veux pas me plaindre aujourd’hui parce que je sais bien que tu ne peux pas faire autrement. Je réserve mes grogneries pour une meilleure occasion.
J’ai vu M. Vilain hier et puis Mlle Féau et sa sœur, mais je n’ai pas eu le courage d’en rire avec mes péronnelles parce que ces pauvres femmes étaient fort tristes, elles venaient de chez leur cousin qui s’était asphyxiéa la veille. Et quoique je ne connaisse pas cet homme, la tristesse en pareil cas est communicative et j’étais tout attristée malgré moi. J’aurais bien désiré que tu vinssesb faire une douce diversion à cette maussade conversation.
Quand te verrai-je aujourd’hui, mon Toto ? Pas avant l’heure d’aller à la séance probablement. Je tâcherai dans ce moment-là de prendre de toi plein mes yeux, plein mes lèvres, plein mon cœur et plein mon âme. En attendant je vais faire mon petit train-train de ménage et votre tisanec. Baisez-moi.

Juliette

MVH, α 7920
Transcription de Nicole Savy

a) « asphixié ».
b) « vinsse ».
c) « tisanne ».


14 juin [1847], lundi après-midi, 4 h.

Allons, bon, voilà qu’il pleut. Quel ennui, je ne sais pas comment je vais faire pour me chausser et pour porter cet affreux parapluie qui pèse plus de trente livres. Il faut que je me déshabillea de fond en comble, ce qui va me retarder au moins d’une demi-heure. Tout cela ne serait rien si je ne souffrais pas du pied si effroyablement que la seule pensée de mettre une chaussure pour la pluie me fait frémir. Comme tout cela est intéressant pour toi ! et comme je prends bien mon temps pour te dire toutes ces belles choses. C’est toujours ma vieille habitude qui revient de te rabâcher tous mes ennuis, croyant te parler. Cher adoré bien-aimé, mon amour, où en es-tu de ton discours ? [1] Quoi que tu en dises je suis sûre que tous ces vieux racornis se seront laisséb émouvoir et éblouir par tes admirables paroles. Fussent-ils trois fois plus empaillés qu’ils ne le sont, leurs vieux cœurs se seront réveillés à tes sublimes idées.
Quant à moi je regretterai toujours de ne t’avoir pas entendu et j’attends Le Moniteur avec une impatience facile à comprendre. Je suis même très capable d’envoyer acheter un journal du soir. Si tu peux m’assurer que j’y trouverai ton discours aujourd’hui. D’ici là je vais me dépêcher d’aller t’attendre à Saint-Sulpice avec l’affreuse crainte de ne pas t’y trouver.

Juliette

MVH, α 7921
Transcription de Nicole Savy

a) « déshabilles ».
b) « laissés ».

Notes

[1Victor Hugo prononce ce jour-là un Discours sur la famille Bonaparte à la Chambre des Pairs.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne