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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 décembre [1838], dimanche après-midi, 1 h. ½

Bonjour mon cher petit bien-aimé, bonjour mon petit homme. J’ai passé une nuit atroce. Depuis deux jours mes insomnies m’ont reprisea mais celle de cette nuit est la plus longue et la plus fatiganteb que j’aie jamais euec. Aussi suis-je à coller contre le mur ce matin. J’ai reçu une lettre rose de Mme Guérard avec le mot sacramentel Saint-Anastased. Aussi l’ai-je décachetée avec aplomb et voici ce qu’elle me mande : qu’elle a dit à son mari que je l’avais invitée à déjeuner mardi prochain ; qu’elle espère que je ne la ferai pas MENTIR et puis enfin qu’elle nous attend à dîner dans son château fort en compagnie de son mari et d’une tête de veau et autres plaisanteries du même sel. Je n’y vois d’autre inconvénient pour le déjeuner que celui de me faire lever plus tôt si par hasard vous HONOREZ MA COUCHE de votre présence ce jour-là. Pourquoi que vous n’êtes pas venu cette nuit méchant homme ? J’aurais très bien dormi ou j’aurais employé très bien mon insomnie, pourquoi que vous n’êtes pas venu ? Et puis très sérieusement, mon amour, et du fond de l’âme, il faut prendre garde de ne pas tant travailler la nuit, tu finiras par tomber malade et te faire beaucoup de mal à tes beaux yeux [un ou deux mots illisibles] Je vais bien économiser le reste de cette année et l’autre toute entière pour t’empêcher de tant travailler dans la nuit. Je t’aime mon Toto, je t’aime mon Victor. Je t’aime mon grand Toto. Si tu me fais la grâce de souper avec moi, ce soir, je laisserai dîner ces deux femmes entre elles avec jubilation. J’y compte presque. [Et  ?] tâche que ce soit sûr. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 266-267
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Gérard Pouchain

a) « reprises ».
b) « fatiguante ».
c) « eu ».
d) « St Anstase ».
e) « toute ».


23 décembre [1838], dimanche soir, 9 h.

Nous avons répété ce soir un charmant prologue. C’est dommage que vous ayez barbarement supprimé lacte du souper qui n’était pas celui le moins intéressant de notre Drame. Heureusement que je compte sur vous cette nuit pour le Dénouement. Je répète le mot parce qu’il est un peu barbouillé. J’ai écrit… dénouement. En attendant je rougis au coin de mon feu et je repasse dans ma mémoire tous mes souvenirs d’amour et de bonheur depuis que je vous connais. C’est fort bon et fort doux et je m’en contenterais si je ne voyais pas dans lavenir des moments tout aussi doux et tout aussi amoureux que ceux dont je me souviens. Si vous ne comprenez pas ce que je veux vous dire c’est que vous êtes une bête car c’est pourtant très claira. Je dis qu’il n’y a de bonheur au-dessus ou entre le passé et l’avenir que le bonheur présent, c’est à vous de voir auquel des trois vous donnez la préférence. Si vous avez du cœur vous devezb le juste milieu c’est-à-dire le présent et je serai de votre avis et toute prête à vous en donner des preuves. En attendant, je vous aime dans le passé, dans le présent et dans l’avenir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 268-269
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Gérard Pouchain

a) « claire ».
b) « préféré ».

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