Samedi, 2 h. du matin
Fou – méchant enfant – N’ai-je pas souffert cent fois plus que toi – plus que je n’en ai la force – Tu me perces le cœur –
J’ai des chagrins de mille autres parts, mille fois plus que ma pauvre âme n’en peut supporter – Je te les cache pour ne pas te faire du mal – Touta ce qu’il y a de sensible en moi, toutes les affections – tout est broyé, meurtrib et tu m’abandonnes aujourd’hui – quand tu es mon seul bonheur – tout l’aliment de mac vie – Tu m’abandonnes lâchement – livrée au découragement – Victor ! – j’avais cru ton âme plus grande et plus digne de la mienne – Toi que j’aimais – de tout ce qu’il y a d’amour dans mon cœur – tu tues le reste de ma vie – tu rompsd tout d’un soufflee, comme si c’était une toile d’araignéef – Je n’ai plus rien au monde – rien dans la vie – Tu m’aimes pourtant, et tu me fais mourir – Tu détruis mon bonheur et le tien – J’amassais dans mon cœur tant d’amour et de bonheur – Tu es fou – et moi, plus folle encore – Mais ne sais-tu pas que je suis à toi corps et âme ? Comme une femme qui a fait un pacte – Si mon bonheur seulement était attaché à ton amour – je te fuirais – car on peut se passer de bonheur – Et d’ailleurs, je n’ai pas pris à ce sujet de mauvaises habitudes – mais c’est pour vivre qu’il me faut ton amour – Je t’aime de toutes mes forces – je meurs loin de toi –
J’ai une fièvre atroce, je vais prendre un bain à 8 h. Peut-être me calmera-t-il –
Pourquoi ne veux-tu pas comprendre que je t’aime ? Tu m’aimes pourtant – et tu me fais mourir – À demain, mon Victor – je t’aime. Je te pardonneg –
Juliette
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
En ville
BnF, Mss, NAF 16322, f. 78-79
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Souchon, Blewer]
a) « tous ».
b) « meurtrie ».
c) « de ma ma vie ».
d) « rompts ».
e) « soufle ».
f) « arraignée ».
g) « pardonnes ».