26 novembre [1838], lundi soir, 8 h. ¾
Mon cher petit bien aimé, mon bon petit homme, tu as toujours raison avec moi, et avec tous ; comme tu le dis, j’ai plus d’un point de ressemblance avec ce pauvre sourd en ce qui concerne l’entêtement et la loyauté, mais le point par où je diffère de manière de voir et de sentir, c’est l’antipathie profonde pour tous les opéras comiques, avec ou sans airs nouveaux, et pour le mépris et le dégoût insurmontable que j’éprouve pour l’idiot Villeneuve. Toujours est-il que tu as raison contre tout le monde, et que tu es le plus dévoué et le plus généreux des hommes. Vous avez bien fait mon cher bijou de m’apporter un bâton, depuis longtemps j’éprouvais le besoin d’être battue, maintenant j’espère que vous ne me ferez pas languir, et quand il faudra que la CANAILLE vous ne vous gênerez pas.
Je voudrais être à demain pour lire ma préface [1], j’ai aussi mon petit feuilleton à faire, moi, que j’imprimerai en bon baiser sur votre charmante petite bouche rose, et sur vos trente-deux dents blanches. Je voudrais encore bien plus être à ce soir, d’abord parce que ce serait plus logique, et que le bonheur serait tout à fait réel, je voudrais être à ce soir pour vivre avec toi de toutes les vies, celle du corps, et celle de l’âme.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16336, f. 178-179
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette