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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Lundi 24 septembre [1838], midi ½

Mon cher petit homme, je viens de tailler mes plumes avec des ciseaux ! Voyez à quelle extrémité vous me réduisez. Depuis ce matin je frotte et je récure avec mes torchons et mes serviettes pour forcer la blanchisseuse à me les rendre propres. Jusqu’à présent je n’ai réussi qu’à me rendre parfaitement noire et grasse. Je ne vois pas d’autre ressource que de me mettre à la lessive pour me déteindre un peu. Papa est bien i, j’aime Papa. Il faudra me rendre compte sou par sou et liard à liard de la pièce de 5 F.a dont je joins ici le portrait. Je n’entends pas fournir de ma propre bourse à vos sales vices, moi. Ainsi préparez-vous à me rendre les comptes les plus rigoureux et les plus clairs de l’emploi de la susdite pièce. Je vous aime, vous. Vous êtes une vieille bête mais je vous adore. Donnez votre nez que je le morde.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 255-256
Transcription d’Élodie Congar assistée de Gérard Pouchain

a) Dessin d’une pièce, côté face :

© Bibliothèque Nationale de France

24 septembre [1838], lundi soir, 4 h. ¾

Voici bientôt cinq heures, mon petit homme, et vous n’êtes pas venu. Vous m’avez empêchée de nous peigner à fond bien inutilement. Vous êtes une bête, je ne vous en veux pas, mais je rage pour cette pauvre Claire que je fais travailler depuis le matin jusqu’au soir sans lui donner une heure de distraction. Papa est pas i parce qu’il ne lui en coûterait guère, après tout, de nous mener chemin faisant jusque chez la mère Pierceau, ça ne serait pas excessif et cela nous ferait prendre l’air. J’ai vu Jourdain tantôt qui venait prendre mon jour pour la vérification. J’ai choisi jeudi à 3 h. D’ici là j’aurai eu le temps de débrouiller mes comptes et les siens. Papa est bien [EN [1] ?]. Je ne crois plus jamais à ses promesses. Vous abusez de ce que je vous aime trop. Vous ne savez pas que tant va l’amour à l’indifférence qu’il finit par se casser et les morceaux n’en sont pas bons. En attendant que ma cruche se casse ou s’emplisse, je vous aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 257-258
Transcription d’Élodie Congar assistée de Gérard Pouchain

Notes

[1On ne comprend pas, mais la lecture n’est pas douteuse. Ordinairement, Juliette emploie l’expression « Papa est bien i ».

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