Guernesey, 18 avril [18]73, vendredi matin, 7 h. 40 m.
Il faut que tu aies passé une bien mauvaise nuit, mon pauvre grand bien-aimé, pour avoir dérogé ce matin à tes habitudes matinales ? Cette pensée m’attriste sans m’étonner, connaissant tous les soucis de ta vie ; il faut tout le courage que tu as pour les porter à esprit et à cœur tendu comme tu le fais sans même jetera une plainte. Ce que tu souffres, je le devine à travers mon amour pour toi qui me fait ressentir tous tes chagrins comme toutes tes joies. Aussi je t’admire et je te plains autant que je t’aime. Malheureusement tout ce que j’éprouve est inutile, impuissant et stérile. Dieu seul peut te donner le bonheur que tu mérites et c’est à lui que je m’adresse pour l’obtenir. Jusqu’à présent ma prière ne l’a pas touché car tu es toujours et de plus en plus malheureux. Aujourd’hui j’appelle à mon aide nos douces et saintes âmes de là-haut pour qu’elles obtiennent de Dieu la fin de tes tourments et le retour au logis paternel de tous tes chers enfants. J’espère qu’elles seront mieux exaucées que moi et que nous aurons bientôt le bonheur de fêter ici tous ces chers petits et grands enfants prodigues.
En attendant, mon pauvre grand bien-aimé, je te souris, je te bénis et je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 106
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette
a) « jetter ».