Guernesey, 4 septembre 1857, vendredi soir, 5 h.
Je t’aime, mon Victor, je t’aime encore plus aujourd’hui si c’est possible et d’un amour plus près du ciel que de la terre. J’espère que les chères âmes qui nous regardent de l’autre côté de cette vie [1] approuvent et bénissent mon amour dans ce qu’il a de pieux, d’épuré et de saint. Cher adoré, je baise la plaie de ton cœur pour la calmer et je charge mon âme de t’apporter la divine consolation. Mon bien-aimé, mon doux martyra, mon sublime affligé, je te bénis, je te vénère, je t’adore, que tu es bon, mon Victor, de t’occuper de moi avec cette persévérance et cette patience. Les mots me manquent pour te dire ma reconnaissance mais si tu pouvais voir mon cœur tu serais bien touché et bien heureux de tout ce qu’il contient de tendre, de dévoué, d’admiration et d’adoration pour toi. Je te l’ai déjà dit et je te le redirai toujours car mon amour fait le fond de tout mon être. Il est autant ma vie que ma vie est en lui. J’ai tort d’essayer de te dire des effusions inexprimables et que l’âme seule peut dire à une autre âme, [cette ?] impuissance, loin de me décourager, m’excite à recommencer mes tendresses espérant les rendre plus intelligibles par le nombre. Ce n’est pas la faute de mon cœur si je n’y parviens pas mieux car Dieu sait qu’il t’aime comme jamais homme n’a été aimé dans ce monde et ne le sera dans l’autre.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16378, f. 170
Transcription de Chantal Brière
a) « martyre ».