Guernesey, 7 août 1857, vendredi matin, 8 h.
Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour, ne te réveille pas. Il fait un temps favorable au sommeil, sombre et froid. Dormez, mes chères amours, mon âme bercera vos rêves pendant que le marteau de Thomas [1] et les gros pieds de Peter [2] font leur vacarme au-dessus de ma tête. J’espère que tu auras passé une bonne nuit, mon bon petit homme, et que tu ne souffres plus de ton cœur ? Quant à moi je suis trop bien ce matin et je t’aime encore davantage. Je viens de monter TA petite horloge qui est à toi, à toi, bien à toi. Seulement nous verrons si vous saurez mieux la régler que mon propre cœur qui bat toujours la breloque par votre faute et, à ce sujet, je vous demanderai où vous en êtes avec la jeune hongroise inflammable ? Comment cela s’est-il passé hier chez Duverdier ? Vous me direz cela si vous pouvez tantôt ; jusque là, je laisse mon imagination flotter entre vos nombreuses conquêtes et je vous aime malgré vent et marais et les filles de dix-neuf ans et les femmes d’un CERTAIN âge. Telle est ma force.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16378, f. 145
Transcription de Chantal Brière