26 août 1873

Paris, 26 août [18]73, mardi matin, 7 h. 35

Bonjour, mon cher bien-aimé. Bonjour, comment la nuit ? La chaleur ne t’a pas empêché de dormir, je l’espère, et par conséquent tu n’as pas entendu le vacarme étrange qui s’est fait autour de nous. Cela ressemblait à des sifflements aigus et enragés mêlés à des cris d’oiseaux effrayés. On eût dit un carnage de nids car cela avait l’air de se passer dans les arbres tout près de nous. Quant à moi l’idée d’un reptile quelconque me terrifie tellement que je n’ai pas eu le courage d’ouvrir ma fenêtre pour tâcher de venir au secours des pauvres petits assassinés et je suis restée coi derrière mes vitres pendant que la pluie et l’orage se donnaient la réplique avec fureur. Ce matin tout est calme, tout est frais, tout est gai, il n’y paraît plus si ce n’est peut-être dans les petites âmes de ceux qui ont survécu à ce massacre. Parmi les lettres que tu m’as remises hier soir se trouvent^a deux cartes d’entrée au Jardin d’Acclimatation. Ce serait le cas d’en profiter et surtout d’en faire profiter tout de suite avant que le temps ne se fixe à la pluie, tes deux petits enfants. On pourrait y aller déjeuner car il est impossible qu’il n’y ait pas dans les environs ou dans le jardin même un restaurant. On peut s’en informer à M^me Charles. Cela leur ferait un petit change et à nous aussi. Je te soumets ce projet quitte à y renoncer si tu ne l’approuves^b pas. Pourvu que tu sois content je suis contente.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 249
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette

a) « trouve ».
b) « approuve ».