Paris, 25 août [18]73, lundi après-midi, 2 h.
J’ai su très peu retenir d’Alton après toi, mon cher adoré, ce qui ne t’étonnera pas, mon peu d’attrait, ou d’attraction, étant donnée : il s’en est naturellement rattrapé auprès de la charmante Mme Charles chez laquelle il était encore tout à l’heure quand Mariette a porté la brochure de ton fils venue par mégarde ici [1]. Il aura probablement été plus expansif avec elle qu’avec moi à qui il n’a dit que des lieux communs insignifiants. Ce qui n’est pas insignifiant ce sont vos RICORDARSI [2] entre Mme Lanvin et vous. « Ô mes lettres d’amour ! » Je vous avoue que ces passions rétrospectives me troublent tellement que je suis prête à jeter le manche après la cognée plutôt que de rentrer dans la lutte de votre passé, de votre présent et de votre avenir avec les vieilles cocottes, voire celle Moyen-Âge, et les jeunes qui ne demandent qu’à pondre et à couver sous vos ailes. Pour moi je n’ai plus que la force de vous aimer et de crever à temps pour vous épargner des remords. Cela dit : embrassons-nous, Folleville ! [3]
BnF, Mss, NAF 16394, f. 248
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette