Guernesey, 15 juillet [18]73, mardi matin, 7 h.
Dors, mon cher adoré, je t’aime, je te souris, je te bénis. Puisse cette journée assez maussade dans la forme, jusqu’à présent, être pour toi dans le fond une journée de joie et de bonheur, c’est-à-dire : heureuses nouvelles de ton petit Victor [1], de Petit Georges et de Petite Jeanne. Je le demande pour toi à Dieu sans y compter, hélas ! car voilà bien longtemps que je le prie de tout mon cœur sans être exaucée. Espérons que je serai plus heureuse cette fois. Si l’adoration et l’admiration universelle pouvaient être des compensations au bonheur qui te manque, mon pauvre adoré, tu n’aurais rien à désirer au monde. Mais il n’y a pas de Mme de [illis.], ni de Fitzgerald [2] qui puisse remplacer tes enfants ; ni assez de roses dans l’univers pour t’empêcher de regretter les baisers parfumés de ton Georges et de ta Jeanne. C’est pourquoi je souffre tout ce que tu souffres de privations et d’inquiétudes de leur tant [illis.] absence.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 214
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette