Guernesey, 11 juin [18]73, mercredi matin, 6 h. ¾
Tout cœur et toute âme dehors, mon grand bien-aimé, je t’ai vu, je suis contente, je suis heureuse, je suis ravie, quel bonheur !!! Bonheur d’autant plus grand que je crois être sûre que tu as bien dormi et que je sens que tu m’aimes comme je t’aime de tout ton cher grand cœur. Mais, il y a un mais, hélas ! Il ne suffit pas que je sois heureuse dans mon amour, dans mon admiration, dans mon adoration pour toi, j’ai besoin aussi, et surtout, de te savoir heureux dans tes enfants petits et grands. Je ferais tout au monde pour te donner ce bonheur-là si cela dépendait de moi. Malheureusement je n’y peux rien que souffrir avec toi de leur absence et de leur silence et prier Dieu d’avoir pitié de toi, pauvre sublime Papapa, et de vous bénir tous ; c’est ce que je fais à tous les instants de ma vie ; j’espère que je serai bientôt exaucée dans ma prière et que tu ne tarderas pas longtemps à ouvrir tes bras, ton cœur et ton âme à tout ce cher groupe-là. En attendant je fais leur intérim en redoublant de tendresse et d’amour pour toi.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 173
Transcription de Maggy Lecomte et Manon Da Costa assistées de Florence Naugrette