Guernesey, 20 décembre 1860, jeudi matin, 8 h. ½
Bonjour, mon plus que cher bien-aimé ; bonjour, santé, amour, bonheur dans le baiser que mon âme t’envoie. Comment as-tu passé la nuit, mon doux adoré ? Comment va ta gorge ce matin ? J’espère qu’elle va toujours de mieux en mieux, quoique le temps soit toujours très froid. Dans le cas où tu ne te sentirais pas tout à fait à la fin de ce beaucoup trop tenace mal de gorge, peut-être ferais-tu bien de voir aujourd’hui le médecin. Il est possible qu’il soit utile de changer la nature du gargarisme ou de le supprimer tout à fait, toutes choses que lui seul peut décider en connaissance de cause. Quant à moi, mon pauvre adoré, je ne serai vraiment tranquille, heureuse et comblée de tous les biens, de toutes les joies et de tous les bonheurs que lorsque je te saurai bien guéri. Jusque là il y aura toujours un coin noir dans mon cœur et une note triste dans mon hymne d’amour et de reconnaissance. Même la vue de ces deux [illis.] (l’orthographe est absente pour cause de voyage à l’étranger), la vue, dis-je, et la possession de ces deux miracles de dessin [1] ne peut pas me consoler de la pensée de te savoir un tout petit bobo. C’est pourquoi je te supplie avec tant d’insistance, mon doux adoré, de faire tout au monde pour te guérir tout de suite. Pour t’y encourager je vais me faire gratter la peau jusqu’au sang. Plaisir médiocre mais utile, dis-tu, et je t’obéis pour le bon exemple et je t’adore pour mon bonheur.
BnF, Mss, NAF 16381, f. 326
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette