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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 mai 1836

3 mai [1836], mardi matin, 11 h. moins 10 m[inutes]

Bonjour mon cher petit homme adoré, bonjour mon pauvre amour. Comment vont tes chers petits yeux ce matin ? J’espère que notre ORGIE de cette nuit n’aura pas eu de suite fâcheuse et que tu auras très bien passé la nuit.
Quel temps il fait ce matin, quel mois de mai.
J’ai passé une très bonne nuit et il est probable que si le temps était plus favorable, j’irais de mieux en mieux au lieu que j’ai toujours très mal aux reins et à la tête.
Mais mon Dieu que je vous aime donc mon cher bien-aimé, que je t’aime. Il ne serait pas possible de vivre sans toi. Je te dis sans la moindre exagération je le dis comme je le sens, je ne peux pas vivre sans toi.
Je voudrais être riche, c’est-à-dire gagner de l’argent par mon travail parce que je souffre en voyant la fatigue que tu t’imposesa chaque jour pour me donner l’argent dont j’ai besoin. J’ai des remords quand je regarde tes beaux yeux malades. Je voudrais à l’instant même pouvoir te soustraire à cette pénible tâche de tous les instants. Je me consume en désirs superflus car je ne peux rien, t’aimer, voilà tout. Aussi je t’aime pour tout le dévouement que tu as pour moi. Je t’aime pour toute la peine que tu prends. Je t’adore pour tout ce que tu fais et tout ce que tu es.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16327, f. 7-8
Transcription d’Isabelle Korda assistée de Florence Naugrette

a) « impose ».


3 mai [1836], mardi soir, 7 h. ¼

Quel nom te donner, mon cher bien-aimé, pour t’appeler sous celui que tu as dans mon cœur. J’ai épuisé tous ceux de notre langue et je n’en ai trouvé aucun d’assez doux, d’assez expressif pour te désigner.
Tu as pensé à moi, tu as pu m’écrire, oh ! mon Dieu ! Jamais ta lettre n’est arrivéea dans un moment plus opportun car j’étais remplie de tristesse et d’amour en voyant s’écouler l’heure à laquelle je pouvais t’attendre. Et voici que ta chère petite lettre est venueb me consoler, voici qu’elle est venuec répondre à ma pensée, recevoir mes caresses et se coucher sur mon cœur comme j’aurais fait de toi si je t’avais eu là sous mes baisers.
Oh ! merci merci, tu m’as comblée ; de triste et de découragée que j’étais, je ne suis plus qu’impatiente de te voir, pour me rouler à tes pieds, pour te remercier, pour t’adorer, pour faire toutes les folies qu’inspirent la joie, le [délire  ? désir  ?] et l’amour.
Non je ne suis pas malade, non je ne souffre pas. Je ne sens que du bonheur, que de l’amour, je ne sens que le bien que m’a fait ta lettre.
Tu verras, mon cher adoré, combien tu m’as rendued heureuse par ce petit mot jeté à la poste. C’est une LIBÉRALITÉ que j’apprécie plus que toutes les richesses, tous les trésors du monde. O ma bonne petite lettre, tu es ma joie, tu brilles plus qu’un diamant car tu es une étoile de ma vie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16327, f. 9-10
Transcription d’Isabelle Korda assistée de Florence Naugrette

a) « arrivé ».
b) « venu ».
c) « venu ».
d) « rendu ».


3 mai [1836], mardi soir, 8 h. ½

Tu penses bien, mon cher adoré, que ce n’est pas assez d’une lettre pour épancher tout mon bonheur et toute ma reconnaissance. Aussi je t’en écris une seconde que tu t’es chargé d’expliquer par la dernière partie de ton adorable lettre : Je t’aime. Avec cette redite on remplit sa vite, on remplit son cœur, sa tête, sa pensée.
Voilà précisément ce qui m’arrive tous les jours et à tous les instants de ma vie.
Je t’aime, mon Victor bien-aimé ; mon seul but, ma seule ambition, mon seul présent et mon seul avenir, c’est mon amour. Je ne vis que dans lui, je ne pense que par lui, je ne sens que lui.
J’ai bien hâte de te voir. J’ai tant de baisers, tant d’étreintes, tant de cris inarticulés plus éloquents et plus expressifs que des mots les uns au bout des autres à te donner, que tu devrais bien te presser d’arriver pour ne pas les laisser sans bouche pour les recevoir, sans mains pour les sentir et sans oreilles pour les entendre. Que je t’aime. Que je t’aime toujours plus.
J’espère toujours que tu vas venir. Je consulte la pendule à chaque minute. Je la trouve lente, trop lente car il me semble que plus la soirée avance et plus j’ai de chances de te voir plus tôt. Mais aussi moins j’ai d’espoir de te conserver longtemps auprès de moi. Mon amour, mon bonheur, ma joie, viens, viens. Je t’aime tant.

J.

BnF, Mss, NAF 16327, f. 11-12
Transcription d’Isabelle Korda assistée de Florence Naugrette
[Souchon]

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