Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1873 > Mars > 23

23 mars 1873

Guernesey, 23 mars [18]73, dimanche matin, 8 h. moins 10 m[inutes]

Je te remercie, mon grand bien-aimé, d’avoir prolongé quelque peu ta petite station ce matin en faisant semblant de lire avec attention mon pauvre petit gribouillis si peu digne de cet honneur. Il m’a semblé que tu t’es retourné comme si tu avais entendu le pas de ton Sénat derrière toi ? Peut-être était-ce un petit signe de tendresse que tu me témoignais, c’est ainsi que je l’ai pris et que je la garde. Je serais bien contente d’apprendre que tu as passé une bonne nuit, mon pauvre sublime piocheur. Malheureusement quand j’envoie aux informations, sous prétexte de te porter ton déjeuner, personne chez toi ne répond affirmativement à ce sujet. Donc, il faut que je prenne le désir que j’ai que tu aies bien dormi toute la nuit comme un fait accompli, ce qui est assez raide.
Quant à moi qui avais si bêtement pris l’avance sur ma nuit hier, j’ai très peu dormi cette nuit. Au reste cette somnolence intempestive et dont je te demande pardon s’était étendue sur tout le personnel de ma maison, chat compris, à la même heure, ce que j’attribue à l’état atmosphérique qui est assommant. Aujourd’hui, encore, le temps paraît mal disposé ; à en juger par ce qu’il est depuis trois mois l’année 1873 remplacera l’année Terrible [1] par l’année Pluvieuse. Jamais je crois de mémoire de parapluies il ne sera tombé autant d’eau que cette année. J’en ai le cerveau ramolli !
J’entends mes poules qui chantent… c’est une espérance pour ton premier déjeuner de demain. En attendant j’entends caqueter et se prendre de bec mes deux servantes, ce qui ne m’émeut pas autrement, cela étant entré dans leurs mœurs depuis leur première rencontre chez moi.
Pourvu que ton grand cœur ne souffre pas et que tu m’y laisses la première place, la seule place, après l’amour de tes enfants je te bénis et je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 79
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette

Notes

[1L’Année terrible (titre d’un recueil poétique de Hugo) est 1871.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne