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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 25 février [18]73, mardi matin, 8 h. 35 m.

Pas de chance encore ce matin mon cher bien-aimé : j’ai eu beau écarquillera mes yeux pour mieux te voir, je n’en suis pas plus de l’avant pour ça, comme dit le bonhomme de Putron. C’est égal, n’avoir qu’un Mille et ne pas mettre dedans chaque fois qu’on le vise, c’est vexant. Aussi je ne suis pas Caton et je Blonde la destinée pour me venger d’elle, je viens d’envoyer au pauvre petit bébé Planque une tasse de soupe et un œuf et j’ai partagé le reste des crêpes et des beignets entre toi, Mme Chenay, les deux bonnes et les petits Planque qui en seront bien heureux. Je n’ai pas besoin de te dire que les femmes de Hauteville House n’ont point été oubliées et que j’avais commencé par elles dès hier en leur envoyant à chacune des pommes et des oranges. J’avais pensé à étendre mes distributions sous une forme plus sérieuse et plus utile jusqu’à concurrence de nos vingt francs, à moi appartenant, mais tu me l’as déconseillé, j’obéis. Seulement je te fais remarquer de nouveau qu’il me faudrait thésauriserb pendant plus d’années que je n’ai à vivre pour arriver à décrocher l’objet de mon ambition. Cela étant, ne vaut-il pas mieux que je fasse flamber un peu de feu dans le foyer éteint de la pauvre famille Planque et un peu de joie dans l’âme de ces six petits êtres dont l’aîné n’a pas encore neuf ans ? Je te le demande ainsi qu’à Petit Georges et à Petite Jeanne en me soumettant d’avance à votre réponse collective : « le bien qu’on fait parfume l’âme, on s’en souvient toujours un peu », ton grand et généreux cœur doit être encombré de ces souvenirs là depuis le temps que tu les accumules et je ne m’étonne pas que ton âme sente si bon. Je voudrais bien tâter un peu de cette parfumerie qu’on ne trouve pas chez Rimmel [1]. Cette bonne odeur remplirait avec avantage demain le bouquet traditionnel de la fête anniversaire de ta naissance : Vive Papapa ! Vive Petit Georges ! Vive Petite Jeanne !c Vive tous les Petits Pauvres ! Vive tous ceux que nous aimons et qui nous aiment ! Vive la République !d
Vive madame Alice ! Vive mon oncle Totor [2] !

BnF, Mss, NAF 16394, f. 54
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette

a) « écarquillier ».
b) « thésoriser ».
c) Croix entourée de quatre points :

© Bibliothèque Nationale de France

d) À la ligne, la même croix entourée de quatre points.

Notes

[1Parfumeur français, inventeur du mascara.

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