29 mai [1847] samedi matin 8h. ½
Bonjour, mon Toto, bonjour, mon amour, bonjour, ma joie et mon bonheur, bonjour. Je vous donne des arrhes comme vous voyeza, je ne veux pas que vous disiez que je n’ai pas eu confiance en vous. Maintenant je vous donnerai mon encrier et mon plateau quand vous me donnerez votre bonhomme [1]. Comment vas-tu mon Toto ? L’orage ne t’a pas empêché de dormir ? Tu es trop fatigué de la journée, toi, pour t’arrêter à si peu de choses. Moi c’est différent : il m’a été impossible de me rendormir, si ce n’est vers le matin très tard. Déjà la chaleur m’accable. Je ne sais pas comment je ferai pour passer cette journée sans mal de tête. Décidément je n’aime pas la chaleur. Je laisse ce goût aux lézards, aux poètes, aux vers à soie et aux Pairs de France. Baisez-moi, mon bon petit homme et tâchez de ne pas me faire tirer une langue de quinze jours pour ce malheureux petit dessin. C’est bien le moins qu’en échange de ma confiance vous m’apportiez votre gribouillis tout de suite.
Je vais écrire à Mme Triger pour m’excuser et pour lui faire prendre patience car je lui avais promis que ce serait pour hier ou aujourd’hui au plus tard que nous irions à ce fameux théâtre. Grâce à votre princesse, Dieu sait maintenant quand nous pourrons y aller. C’est fort amusant. Voime, voime, taisez-vous et baisez-moi à mort.
Juliette
MVH, Mss, α 7916
Transcription de Florence Naugrette
a) Dessin : Victor et elle jouant aux dames.
- © Maisons de Victor Hugo / Ville de Paris