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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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1er avril 1836

1er avril [1836], vendredi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon pauvre cher adoré, bonjour. Mon Dieu, est-ce que notre cher petit aurait été plus malade cette nuit ? Ou bien est-ce que tu aurais voulu par précaution rester auprès du cher petit, ou bien était-ce que tu étais trop fatigué et que tu te serais reposé ? J’aimerais mieux les deux dernières choses car je ne crains rien tant de savoir que tu es triste et que tu souffres.
J’avais bien besoin de me répandre dans ton âme et sous tes baisers. Depuis quelques jours je ne sais quel vertige nous avait pris à tous les deux, mais nous étions l’un pour l’autre cruels et ingratsa. Je n’ai jamais plus souffert de cette espèce de folie que depuis ces deux jours. J’en excepte pourtant la dernière heure que j’ai passée sur tes genoux hier au soir. Tu étais redevenu le Victor adoré de moi, admiré de tous. Jamais tu n’as eu une plus belle figure, une voix plus douce, une haleine plus enivrante.
Jamais tu n’as fait entendre des paroles plus dignes et plus généreuses. Dans ce moment là, tu étais bien mon TOTO à moi et leur VICTOR à tous. Tu étais ce qu’il y avait de plus aimé sous le ciel et de plus grand dans le monde.
Chère âme, je prie Dieu que ton cher petit toi ne soit pas malade et que tu m’aimes comme je t’aime. Je baise tous vos petits pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 254-255
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

a) « cruel et ingrat ».


1er avril [1836], vendredi soir, 8 h. ¾

Mon pauvre cher bien aimé, sur la seule chance bien fantastique de dîner avec vous ce soir, je n’ai dîné qu’à 8 h. ¼ parce que j’avais dit à la marmitonne de ne pas se presser. Quoique j’aie retardé mon dîner de cinq quarts d’heure, je n’avais pas faim. Le fameux poisson [1] que vous m’aviez servi en hors d’œuvre m’avait REPUE. Je n’avais plus faim du tout. Non, je me trompe, j’ai faim, bien faim, mais bien faim d’une bonne petite chose dont je suis très friande et que vous me servez trop peu souvent.
Si vous étiez bien bon autant que vous êtes mon bel amoureux, vous me serviriez ce soir selon mon goût et je vous tiendrais quitte du fameux dîner en forme de POISSON et dont je n’ai mangé que L’ARÊTE. Vous viendrez très tôt. Et puis... le reste va de soi-même. Pauvre ange chéri, pendant que je te désire, toi, tu es peut-être inquiet et triste. Alors je n’ai plus le courage de te rien demander, je partage ta tristesse, je t’adore de toute mon âme et je t’attends avec autant d’amour que j’en peux contenir. Adieu chère âme, au plus tôt possible. Je t’aime, va. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 256-257
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

Notes

[1D’avril, bien sûr.

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