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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 mai 1846

27 mai [1846], mercredi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon Toto adoré. Bonjour, mon cher bien-aimé. Bonjour ma vie, mon âme, mon bonheur, mon tout, bonjour. J’espère que tu viendras. Je l’espère de toutes mes forces. Cependant il y a une petite pointe qui m’entre dans le cœur, c’est l’impossibilité presque démontrée que tu puissesa être libre assez tôt pour entreprendre ce voyage.

9 h.

Le médecin sort de chez moi. Il serait assez content de l’état de ma fille si ses crachats n’avaient pas cette vilaine couleur grisâtre qu’ils ont prise depuis quelques jours. Ainsi, je ne peux pas me livrer à pleine poitrine à l’espoir de conserver cette pauvre malheureuse enfant. Rien n’est plus triste et plus pénible que cette alternative. Aussi, mon Victor adoré, il ne faut rien moins que ta douce présence et les adorables tendresses que tu me prodiguesb quand je te vois pour me donner le courage de sourire à cette pauvre enfant tant j’ai le cœur navré à son sujet. Je prie le bon Dieu le plus que je peux en pensant à toi et en t’aimant de toutes mes forces. J’espère qu’il aura pitié de moi de toute façon et qu’il me rendra ma fille saine et sauvec et qu’il nous rapprochera bientôt pour ne plus nous quitter. En attendant, j’attends ce soir avec bien de l’amour et de l’impatience et je te baise des millions de fois en pensées et en désir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16363, f. 93-94
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) « puisse ».
b) « prodigue ».
c) « sauf ».


27 mai [1846], mercredi après-midi, 5 h. ¼

Voici l’heure à laquelle j’ai coutume de t’attendre, mon cher bien-aimé adoré.

9 h. ¼ du soir

Je ne croyais pas si bien dire en t’écrivant ces trois lignes, mon cher petit homme, car au fond de mon cœur je craignais que tu ne puisses pas venir aujourd’hui. Mais j’ai eu deux surprises à la fois, deux bonheur en un seul jour : toi et ta chère petite lettre que je tiens en ce moment dans ma main gauche et que je baise si fort que je crains parfois de l’étouffer et de faire envoler sa petite âme. Mon bien-aimé quelle lettre ! Qu’elle tendre et admirable lettre ! On la dirait faite avec ce que j’ai dans le cœur. Tout ce que tu m’écris, je te le dis à tous les instants de ma vie. Seulement toutes ces douces et divines choses deviennent bêtes et vulgaires en passant par ma plume tandis que ton génie les grandit et les fait jaillir jusqu’au ciel. Cher adoré, je suis privée de la consolation de te suivre des yeux à cause de l’interprétation hideuse que les passants pourraient donner à cette pieuse et sainte action de l’amour. Dans ces moments-là je voudrais avoir le don du regard magnétique et pouvoir te suivre de la nuque jusque chez toi et plus loin encore. Bonsoir, cher adoré, merci, mon âme. À demain, mon ravissant petit homme. D’ici-là je te baise autant de millions de fois qu’il y aura de secondes entre nous.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16363, f. 95-96
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

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