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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 août [1846], mercredi matin, 10 h. ½

Bonjour mon aimé, bonjour mon âme, bonjour, comment va ton fils [1] ? Comment vas-tu ? Comment va tout le monde ? Je leur souhaite, à travers toi, la santé, le bonheur, la joie et tout ce qui fait la vie et le cœur heureux. Cher adoré, j’étais bien endormie hier, quand tu es venu, mais pas assez cependant pour n’avoir pas entendu que ton Charlot s’était levé, qu’il avait assisté à votre gobichonade [2], et que vous n’aviez plus aucune crainte………a
Vous venez de passer dans mon ciel, mon beau soleil, après y avoir laissé votre trace. Mon cœur est tout [illis.], comme les beaux nuages du soleil couchant que j’admire souvent, avec vous derrière les tours de Notre-Dame. Mais je ne veux pas poursuivre plus longtemps ma métaphore, parce que je ne veux pas que vous vous moquiez de ma littérature. J’aime mieux vous dire au gros sel [3] que je vous aime et que je voudrais ne pas vous quitter, jamais, hélas ! Enfin, je suis heureuse de la pensée d’aller vous chercher tantôt. D’ici-là, je vais ne penser qu’à vous et ne m’occuper que de vous, afin de faire trouver le temps moins long.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 75-76
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) Neuf points de suspension avant de passer à la ligne.


26 août [1846], mercredi après-midi, 2 h. ½

Encore trois heures, avant de te voir, mon cher bien-aimé, en supposant que tu sois très exact, ce qui n’est rien moins que sûr. Trois heures ! c’est bien long et il me semble que je n’y arriverai jamais. Cependant, je m’agite et je me remue bien dans ma maison pour occuper le temps, et j’y parviens si bien que je suis toujours en retard vis-à-vis moi-même. Mais cela n’empêche pas ma pensée et mon cœur de sentir le vide que me fait ton absence, au contraire. Je crois que plus je travaille et plus le temps me paraît long. Aujourd’hui surtout, c’est très frappant. Je n’ai pas le temps de lire les journaux et il me semble que les heures sont des journées. Il me semble que cinq heures et demie n’arriveront jamais. Peut-être que si vous pensiez à moi et si vous me désiriez que le temps me paraîtrait moins éternel loin de vous. Mais vous êtes trop occupé de couper le cou à ce ridicule humain [4], pour penser à cette pauvre vieille Juju qui s’impatiente dans son coin. Taisez-vous, législateur, et dépêchez-vous d’acquitter ce pauvre imbécilea pour venir me retrouver bien vite. En attendant, je suis bien contente que notre gros Charlot soit hors de danger. En l’honneur de cette bonne nouvelle, je vous baise dix mille millions de fois.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 77-78
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) « imbécille ».

Notes

[1Charles Hugo est atteint de la typhoïde.

[2Gobichonner : faire bombance, festoyer.

[3Sans finesse.

[4Du 25 au 27 août 1846, Victor Hugo participe au procès contre Joseph Henri, coupable de l’attentat contre le roi du 29 juillet.

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