Paris, 15 mars 1880, lundi matin, 8 h.
Dors, mon cher bien-aimé, jusqu’au moment où je croirai qu’il est nécessaire de te faire penser que tu as une convocation pour la réunion au Sénat à 1 heure dans le 8e bureau aujourd’hui. Je te ferai penser aussi que tu as reçu le billet des contributions montant à 709 F. 76 centimes, d’autre part la note du fumiste à forfait : 30 F., plus le blanchissage d’aujourd’hui dont le chiffre ne m’est pas encore connu, et la bougie et l’huile à brûler d’hier montant ensemble à 48 F. 85 c. À toi maintenant de faire ce qu’il te plaira de cette communication officieuse. Je ne te parle pas de mes scies [1] personnelles et imméritées telles que les lettres réitérées, plaintives et canulantes de Mme [illis.] de Mussy qui me prend à parti, comme si j’y pouvais quelque chose, dans cette bête d’affaire embrouillée et quasi folle de son mari avec un universitaire quelconque. Tous ces embêtements et autres, comme dit notre bon Lesclide font ma vie trop souvent morose. Enfin, il faut savoir se résigner. « Surtout quand on ne peut pas autrement » a dit le sage des sages feu le grand Scribe [2]. Je vais aller chercher ta lettre à Sarcey [3] pour l’envoyer à la poste. Le temps est, comme moi, assez grimaud ce matin. À qui la faute ? Je le demande à Dieu et aux hommes et j’attends leur réponse de cœur ferme.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 75
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin