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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 octobre [1846], jeudi matin, 8 h. ¾

Bonjour mon doux bien-aimé, bonjour mon plus qu’aimé. Bonjour, je te baise depuis la tête jusqu’aux pieds. As-tu bien dormi cette nuit ? À quelle heure t’es-tu couché ? Moi je me suis couchée et endormie tout de suite mais je me suis réveillée à 3 h. du matin et depuis je n’ai fait que faire des rêves pénibles. Aussi j’ai le cœur tout endolori ce matin. Pour le calmer je pense à toi. Je me souviens de toutes tes douces et ravissantes bontés et puis je t’aime, je t’aime, je t’aime. Hélas ! c’est aujourd’hui que finissent mes vacances [1]. Cette pensée me donne envie de pleurer malgré moi. Cependant je ne suis pas égoïste. Je sens bien que tu as besoin de ta famille pour être heureux et rien ne me plaît tant que de te savoir heureux, mais c’est une contradiction dont je ne suis pas maîtresse et qui me rend très triste au moment où je t’écris. Il nous reste encore un petit moment de bonheur que je mettrai à profit en allant te chercher tantôt à l’Académie. J’espère que le temps ne se gâtera pas d’ici là, quoiqu’il fasse bien trop beau ce matin pour être parfaitement tranquille sur la durée de ce magnifique soleil. Mais, quelque temps qu’il fasse, je suis décidée à aller vous chercher tantôt. Baisez-moi mon Toto et aimez-moi si vous ne voulez pas être le plus méchant et le plus injuste des hommes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 195-196
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette


8 octobre [1846], jeudi après-midi, 4 h. ½

Est-ce que tu ne viendras pas tout à l’heure, mon adoré, avant d’aller à l’Académie ? Ce serait pourtant bien gentil. Nous renouvellerions notre rendez-vous, tu baignerais tes pauvres yeux fatigués [2] et moi je te verrais une minute, ce qui me rendrait bien heureuse. Au lieu que, si tu ne viens pas, je serai triste tout le long du chemin. J’ai perdu l’adresse de M. Varin mais comme la rue n’est pas très longue j’y enverrai Suzanne tout à l’heure. J’attendrai que Duval vienne samedi pour envoyer l’autre médaillon [3] à M. le Curé. Cela lui donnera le temps de sécher un peu, ce qui ne nuira pas. Quant à toi, mon doux adoré, je dirai à Eugénie ce que tu exiges de la complaisance de M. Vilain. Je crains que pour les bustes ce ne soit pas possible tout bonnement. Ce sera dommage car c’est d’un ton doux et charmant [avec cette cire ?].
Je t’ai vu, je t’ai vu, quel bonheur !!! Rien que ce petit moment de te baigner les yeux suffit pour me remplir le cœur de joie. Maintenant j’irai chez Mlle Féau avec courage. Toto je vous aime, Toto vous êtes mon amour, Toto je vous adore, baisez-moi et la mort.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 197-198
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Les deux Adèle, l’épouse et la fille de Victor Hugo, rentrent de Villequier où elles séjournaient chez Auguste Vacquerie.

[2Victor Hugo, qui souffre de problèmes ophtalmiques, vient souvent baigner ses yeux chez Juliette Drouet.

[3Il s’agit d’un médaillon de Claire Pradier.

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