Paris, 16 juillet [1880], vendredi matin, 8 h.
Dors, mon grand bien-aimé et souris-moi en rêve pendant que mon âme t’adore et te bénit et que le vieux Médard [1] achève de vider son outre qu’il a eu la courtoisie de tenir fermée tout le temps qu’a duré notre fête nationale du 14 juillet. Je lui permets de la vider jusqu’à la dernière goutte d’ici à mardi, 20, jour à jamais béni au ciel et sur la terre depuis que tu as fait à saint Victor l’honneur de porter son nom. Ce jour-là nous comptons mettre les petits cœurs dans nos grands pour mieux te fêter : petit Georges, petite Jeanne, Mme Alice, MM. Lockroy, Paul Meurice, Vacquerie, les deux Glaize [2] et si tu le permets, mon cher neveu qui, t’admire et te vénère et t’adore discrètement sans oser te le témoigner autant qu’il le voudrait… et moi qui ne cède pas ma part à personne, pas même aux anges, quand il s’agit de t’aimer, t’aimer, t’aimer éperdument de toutes les forces de mon cœur et de mon âme.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 190
Transcription d’Emma Antraygues et Claire Josselin