26 juillet 1849

26 juillet [1849], jeudi matin, 7 h.

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, mon encore plus adoré toto, bonjour. Tu es bon, tu es doux, tu es sublime de mansuétude comme de génie. Bonjour, mon divin bien-aimé, je baise tes pieds. Le besoin de te voir me rend souvent jalouse et injuste, mais je n’en suis que plus touchée de ton ineffable patience. Va, mon bien-aimé, rien de toutes tes adorables perfections ne m’échappent, et si je n’en suis pas meilleure, du moins t’en aimai-je davantage. Je ne sais pas si je te verrai davantage aujourd’hui. J’en doute car tu ne parais pas être moins occupé que les autres jours. Mais je crois que j’aurai plus de courage parce que tu as eu de si bonnes et de si tendres paroles pour moi hier qu’il me semble que tu m’aimes encore de ce bon amour d’autrefois. Cette pensée me ferait supporter une éternité de supplice, plus encore, une journée tout^a entière sans te voir, mais j’espère pourtant que je ne serai pas prise au mot et que je te verrai aujourd’hui et plus d’une fois. En attendant, je t’adore.

Juliette

MVHP, Ms, a8257
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux

a) « toute ».

26 juillet [1849], jeudi midi

Encore trois quarts d’heure sans te voir, mon cher petit homme, mais j’ai l’espoir de t’accompagner à l’Assemblée, plus tard à l’Académie et de l’Académie à l’Assemblée. Cet espoir redouble mon courage et me fait prendre patience. Il faudra que tu viennes un jour diner avec moi, je te ferai des bonnes petites choses que tu aimes et nous serons bien heureux. Si tu savais combien j’ai besoin que tu m’appartiennes……. EN TOUT BIEN TOUT HONNEUR, un peu plus de cinq minutes, tu comprendrais que je ne recule devant aucun SACRIFICE pour satisfaire ce besoin de mes yeux, de ma bouche, de mon cœur et de mon âme ; aussi, mon Toto, je vous INVITE à me faire l’honneur de diner chez moi le jour que vous voudrez pourvu que ce soit très tôt. Ne me refusez pas, mon amour, parce que tu me ferais un véritable chagrin. Si tu l’exiges même, j’inviterai M^me MOREL et je lui ferai faire quelque gymnastique pittoresque. Je suis capable de tout pour avoir le bonheur de te posséder une heure. C’est que je t’aime toujours de ce bon amour ENRAGÉ d’autrefois, moi

Juliette

MVHP, Ms, a8258
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux

26 juillet [1849], jeudi soir, 9 h. ½

Je ne saurais tenir une plume sans céder à la tentation de te gribouiller n’importe quoi, c’est plus fort que moi et d’ailleurs je ne veux pas me résister. Je ne force personne à mettre son nez sur ces pattes de mouches informes, mais je me saurais très mauvais gré de me priver du seul bonheur que j’aie à discrétion. Cher adoré, si jamais homme a été admiré, vénéré et adoré en ce monde, c’est toi par moi. Tu le sais bien, n’est-ce pas, et tu en es un peu touché ? Il est impossible qu’un amour comme le mien ne soit pas compris par un cœur comme le tien. Aussi, je t’aime avec cette confiance que tu n’y es pas indifférent, et je mets ma joie à sentir que je donnerais avec bonheur ma vie pour t’épargner une douleur. Je viens d’envoyer ta généreuse adhésion à ce pauvre Vilain. En ma qualité de Juju du coche, je bourdonne à l’entour du cousin Girault [1] pour l’étourdir et le forcer à s’abattre sur le nez de ce brave Vilain qui n’en sera pas plus beau après, mais beaucoup plus heureux à ce qu’il croit. Du reste, je lui ai conseillé de remuer ciel, terre et tous les représentants pour arriver à ce but désiré avant un mois. En attendant, je suis à court d’expression pour te dire toute la reconnaissance et tout l’attendrissement que m’inspire^a ta divine bonté !

Juliette

MVHP, Ms, a8259
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux

a) « m’inspirent ».