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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 novembre [1845], mardi matin, 7 h. ¾

Bonjour, mon petit Toto chéri, bonjour, mon adoré petit Toto, comment vas-tu ce matin ? J’espère que tu n’es pas encore réveillé et que tu dormiras encore longtemps. C’est bien le moins que tu prennes du repos pendant que tu y es puisque tu ne peux pas t’arracher du travail quand tu as commencé. Je me suis réveillée sur un mot triste de toi. Sans cela, il est probable que je dormirais toujours tant j’ai la tête lourde et douloureuse aujourd’hui. Cela se dissipera probablement dans la journée et même avant si tu viens de bonne heure. Je vais me dépêcher de faire mes petites affaires pour te laisser le champ libre si tu viens travailler chez moi. Quel vilain temps pour toi, mon pauvre adoré, je te plains parce que je sais combien tu as besoin de marcher quand tu travailles. Prends garde de ne pas te laisser avoir froid, soit dehors, soit chez toi, car tu sais combien tu t’enrhumesa facilement. Fais-toi faire du feu dans ton cabinet et couvre-toi bien pour sortir. Je le veux, je vous l’ordonne. Je n’ai pas besoin que vous ressembliez à cinq six gendarmes pour vous adorer. Ainsi soignez-vous bien. En attendant, je vous aime et j’éternue, moi qui vous parle, parce que je vous écris dans ma chambre qui est plus humide qu’une cave quand il n’y a pas de feu allumé. Aussi je vais me sauver dans la salle à manger jusqu’à tantôt. Baise-moi, je t’aime toi, entends-tu ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 165-166
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu t’enrhume ».


18 novembre [1845], mardi soir, [4  ?] h.

Si je voulais être méchante, j’espère que vous m’en donnez trop le droit, vieux méchant, en ne venant pas plus que ça. Pour vous attrapera, je veux être charmante, ravissante, éblouissante, étourdissante, stupéfiante, ébouriffanteb et très contente en l’honneur de votre absence prolongée. S’il le faut même, je danserai la polka ou toute autre danse à mon choix. Tout ceci prouve que je suis la plus vexée, la plus furieuse et la plus triste des Juju et que je ne demanderais pas mieux que de vous battre comme plâtre si je vous tenais. Pourquoi donc ne venez-vous pas, scélérat ? Je ne vous ai pourtant pas refusé l’hospitalité hier. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour ne pas vous déranger et pour que vous ayez chaud. Tout cela n’a servi qu’à vous empêcher de venir aujourd’hui à l’heure ordinaire baigner vos pauvres yeux qui ne sont pourtant pas cause si je vous aime trop et vous pas assez. Taisez-vous, je suis furieuse, je ne vous aime pas. C’est Foyou que j’aime et vous le méritez bien.
Voilà la nuit et je n’en suis pas plus avancée. Dieu sait quand vous viendrez. Heureusement que cela m’est égal. Voime, voime, vous croyez cela, n’est-ce pas ? Si vous en étiez bien sûr, avec l’esprit de contradiction que vous possédez, vous seriez depuis longtemps chez moi. C’est parce que vous savez que je ne peux pas me passer de vous que vous me faites tirer la langue jusqu’à terre en vous attendant, C’EST LÂCHE ! Taisez-vous, je vous méprise, je vous........c adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 167-168
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « attrapper ».
b) « ébourriffante ».
c) Huit points créent une pause syntaxique.

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