31 août [1842], mercredi après midi, 3 h. ¾
Vous le voyez, mon cher amour, je crois si peu à votre promesse que je fais le remède de l’absence à l’avare : je vous écris cette grosse lettre. J’aimerais mieux vous soigner comme ces quatre jours derniers. Hélas ! Vous êtes guéri ; MALHEUREUSEMENT, et votre premier besoin est de vous enfuir d’auprès de votre pauvre vieille garde-malade. Du reste je comprends cela quoi que cela me crève le cœur. Mais je sais qu’il y a près d’ici des Toto [1] et des Didine qui vous attendent, qui vous désirent, qui vous aiment et qui peuvent s’inquiéter de leur côté de votre trop long séjour à Paris [2]. Je sais cela, mon cher bien-aimé. Je prends mon courage à deux mains pour ne pas être déraisonnable mais rien ne fait contre cette espèce de mal-là. Le seul remède, c’est toi. Ne me le fais pas attendre trop longtemps si tu peux.
Plus souvent qu’on m’écrira des bonnes petites lettres de la campagne à moi. Plus souvent qu’on me fera des ravissants petits dessins à moi. Il n’y a pas de danger et vous voulez encore que je sois contente et que je ne trouve pas votre absence le plus triste et le plus insupportable des maux, merci mais c’est comme si vous chantiez avec votre VOIX INTÉRIEURE [3] : jamais dans ces beaux lieux hom hom hom hom hom hom hom [4]. Taisez-vous vilain chiragre [5]. C’était bien la peine de me faire acheter un lapin, n’est-ce pas ? Avec ca que ça se garde facilement dans ce moment-ci. Et puis comme si en ne dépensant pas assez d’argent forcément sans encore le jeter par la fenêtre. Taisez-vous qu’on vous dit encore une fois. Si je ne vous aimais pas comme une bête je vous haïrais comme un chien de ne pas savoir vous mieux conduire que ça. Tout ça ne me met pas un liard d’espoir dans mon pauvre cœur et j’en suis plus que jamais pour ce que j’en ai dit : vous êtes allé où vous allez tout à l’heure : Saint-Prix. Enfin, mon pauvre adoré, mets bien le temps de mon impatience et de ma tristesse à profit. Dépêche toi d’être heureux et de me revenir le plus tôta possible. Pense que je n’ai pas d’autre joie, d’autre bonheur que de te voir. Embrasse pour moi tous les chers petits goistapioux et rapporte moi une petite fleur de leur jardin. Je t’aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16350, f. 107-108
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette
a) « plutôt ».