Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1842 > Juillet > 22

22 juillet [1842], vendredi matin, 10 h. ½

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour l’adoré de mon cœur, bonjour, bonjour, comment vas-tu ce matin, comment vont tes petites pattes et comment va le petit garçon ? Pourquoi n’es-tu pas venu cette nuit mon Toto ? Tu vas encore attendre le retour de l’époque en question pendant laquelle tout bonheur complet est impossible [1]. C’est vraiment fort adroit et va très bien avec vos manadies [2]. C’est dommage que ça ne me chausse pas aussi bien que vous et que je trouve cette conduite fort bête et fort ridicule. Je vous offre même que si vous continuez sur ce ton, vous aurez du bâton plus que vous n’aurez de cheveux dans votre perruque [3]. À propos, quand donc endossez-vous cette fameuse réchauffante ? Je me propose de vous scalper et de suspendre votre ravissante perruque au-dessus de ma porte. Ce sera un moyen de vous empêcher de sortir de chez moi au moins pendant un mois, le temps que le célèbre Richi mettra à en confectionner une autre. Ceci est une invention qui ne manque pas de charme et qui sourit à mon IMAGINATION VAGABONDE. Toto, Toto, ta perruque brûle, tu n’as qu’un moyen d’empêcher l’incendie, c’est de me …..................................................a voilà. Et mon discours ? Et votre adresse, maladroit, que vous ne m’apportez pas et que j’attends avec fureur, est-ce que vous allez me la faire attendre encore longtemps [4] ? En vérité, on n’a pas d’idées d’un BONHOMME pareil à vous. Tenez vraiment je vous méprise. Vous m’avez épousée pour mon argent parce que j’ai une fameuse tirelire de laquelle vous ne tirez rien du tout et dans laquelle vous mettez encore moins.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 273-274
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) Les points courent jusqu’au bout de la ligne puis se poursuivent sur la ligne suivante.


22 juillet [1842], vendredi après-midi, 1 h. ½

Pas encore de merlan [5] aujourd’hui, c’est damnant. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé mais c’est bien embêtant. Je vais me mettre un bonnet sur la tête puisqu’il m’est impossible d’arranger mes cheveux moi-même. Tout cela est fort ennuyeux et je donnerais bien des choses pour avoir les cheveux de votre tête, tous délabrés qu’ils soient. J’écrirai à sa merlande afin qu’elle me dise ce qui arrive à son merlan. En attendant je suis furieuse et je ne sais que faire de ma tignasse. Tout cela me serait fort égal si vous veniez me chercher pour passer la journée avec vous n’importe où. Mais n’avoir ni bonheur, ni joie, ni toupet, ce n’est vraiment pas la peine de vivre et je donne ma démission. Encore si j’avais votre adresse outre celle de la place royale no 6 où vous tapiquez (comme vous dites) mais rien, rien du tout, ce n’est pas assez. Tenez décidément je m’embête pour ne pas dire le mot sacramentel qui vous offusque tant. Où êtes-vous ? Que faites-vous ? Quand viendrez-vous ? Trois questions qui me tiennent bien au cœur et dont les réponses viendront Dieu sait quand. Je pense que Mlle Hureau a reçu sa lettre et qu’elle doit être bien contente. Je voudrais pour beaucoup qu’elle gagnât son procès parce qu’elle reprendrait peut-être une pension et que ma fille s’y trouverait casée tout naturellement. Ce sera décidément très prochainement, ainsi il n’y a que patience à avoir. En attendant j’use toute mon impatience à vous désirer et à vous aimer, et vous n’en venez pas plus vite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 275-276
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Cette « époque », c’est les règles.

[2Déformation volontaire de « maladies ».

[3C’est de la perruque d’académicien de Hugo que se moque Juliette.

[4Adresse au roi Louis-Philippe qui vient de perdre son fils, rédigée, ès-qualités, par Hugo, directeur de l’Académie Française.

[5Merlan (argot) : coiffeur.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne