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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 août [1845], mercredi matin, 7 h.

Bonjour, bien-aimé, bonjour, cher petit viveur, bonjour, mon petit soulard, bonjour, comment allez-vous après cette formidable orgie que vous vous êtes permise hier ? J’espère que cela ne vous aura pas fatigué ? Pauvre ange adoré, comment vas-tu ce matin ? La voiture, les comptes, le dîner, tout cela ne t’a pas fait de mal, n’est-ce pas ? Je te verrai aujourd’hui de très bonne heure, n’est-ce pas ? Tu m’aimes, tu es mon petit Toto adoré que je baise et que je désire de toute mon âme. Quelle ravissante surprise tu m’as faite hier au soir, mon bien-aimé. Rien que ce petit moment de bonheur m’a fait passer une bonne nuit. C’est si bon de te voir que la moindre goutte de ce bonheur-là suffit pour me colorera de joie toute une journée et pour me faire faire de beaux rêves toute une nuit. Merci, mon cher amour, tu as bien fait de venir. Tu m’as rendue bien heureuse. Quand j’ai entendu la sonnette de la porte du jardin, au moment où tu sortais, je t’ai envoyé un baiser et un : Bonsoir, mon cher petit Toto, dors bien, du fond du cœur. L’as-tu senti et as-tu bien dormi au moins ? Tu me diras cela tantôt. Comment va ton rhume ? En attendant que je le sache, je t’aime, je te baise, je t’adore. Je vais relire toutes mes adorables petites lettres.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 144-145
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « me collorer ».


13 août [1845], mercredi soir, 5 [h.] ½

Cher petit bien-aimé, je ne veux pas me plaindre, car ce n’est pas le moment, mais je peux bien dire que je regrette que mon bonheur ait été aussi écourté [1]. Tu m’avais promis pour aujourd’hui un grand rabibochage et tu ne m’as tenu que le quart de ta promesse. C’est beaucoup mieux que rien, mais ce n’est pourtant pas assez. Il faudra bien qu’un jour vous me payiez votre arriéré avec l’intérêt des intérêts et vous savez que je suis très intéressée. En attendant, je vous fais crédit à mon cœur et à mon corps défendantsa.
Cher adoré, quand te verrai-je maintenant ? J’ai si peu de chance et tu as tant de chiens à fouetter que je ne sais pas quand je te verrai. Pourvu que ce soit demain de bonne heure ? Je suis capable, si vous ne venez pas vite, d’aller vous chercher. Ah ! mais je m’insurge à la fin. Sur ce, baisez-moi tout de suite et aimez-moi mieure que ça, je le veux.
Voici Duval avec un bouquet de dahliasb. Il n’a pas de lettre de ma fille, elle s’est contentéec de me faire savoir qu’elle ne serait pas à la pension demain et que je n’aille pas la voir. Je suppose que les dévotions à la Notre-Dame d’août y sont pour quelque chose dans cette défense. Du reste, je n’avais pas l’intention d’y aller. Tant que tu ne seras pas entièrement rétablid, je ne veux pas bouger de chez moi pour ne pas perdre une seconde du temps que tu pourras me donner.
Cher adoré bien aimé, ne te fatigue pas, pense à moi, aime-moi et viens de bonne heure demain. Tu ne viendras jamais assez tôt au gré de mon amoureuse impatience.

BnF, Mss, NAF 16360, f. 146-147
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « défendant ».
b) « un bouquet de dahlia ».
c) « elle s’est contenté ».
d) « rétablie ».

Notes

[1Victor Hugo a rendu visite à Juliette Drouet, ce n’est pourtant pas ce qu’il laissait entendre dans sa lettre de ce mercredi 13 août : « Mercredi – 2 h. / Je commence par te dire, mon pauvre ange, que je vais toujours mieux, je t’écris non de mon lit, mais de mon canapé, le point douloureux se circonscrit de plus en plus. Cependant, pour abréger le plus possible cette convalescence si ennuyeuse et si lente, la prudence m’est recommandée, et je ne sortirai probablement pas aujourd’hui, ni peut-être même demain. Mais à coup sûr ce veto n’ira pas plus loin que vendredi, et à [sic] je te verrai, ma bien-aimée, au plus tard ce jour-là. Je tâcherai même de m’arranger de manière à passer plusieurs heures près de toi. J’en ai bien besoin, va ! / Vis donc, comme moi, mon doux ange chéri, dans cette espérance. Si je puis m’échapper un instant d’ici là, et trouver un prétexte, compte bien que je le ferai. Cela ne m’est-il pas aussi doux et aussi nécessaire qu’à toi. Ma vie est si triste loin de ton charmant regard. Il me semble que mes journées ne valent plus la peine d’être comptées maintenant que je n’ai plus cet éclair, quelquefois bien court, mais toujours si ravissant, de ta présence. Te voir, ne fût-ce qu’un moment, c’est nécessaire comme respirer. C’est que, tu le sais bien, et depuis longtemps, pour moi vivre, c’est t’aimer, et t’aimer, c’est vivre. Aime-moi, toi aussi, mon ange ! Je baise tes pieds. » (édition de Jean Gaudon, p. 145).

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