Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1845 > Mai > 19

19 mai 1845

19 mai [1845], lundi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon cher amour bien-aimé, bonjour, mon Victor adoré, bonjour, comment vas-tu ce matin ? Tu auras sans doute passé une partie de la nuit à travailler ? Peut-être même toute la nuit ? Cependant après toutes les fatigues de corps et d’esprit que tu viens de passer, tu devrais prendre un peu de repos. Tu avais promis de prendre un peu de repos. Je sais bien la trop vraie et trop impérieuse réponse que tu as à me faire : mes besoins sans cesse renaissants [1]. Mon pauvre adoré, comment faire alors pour que tu ne [te] tuesa pas toutes les nuits au travail comme tu le fais ? Diminuer ma dépense ? Mais j’y suis toute prête et je le fais en ce qui regarde mes dépenses purement personnelles. Mais ma maison est bien lourde et c’est tout un travail à faire pour en changer utilement les dépenses de fond en comble. Pendant ce temps-là, j’ai la privation de ne pas te voir et le remordsb de te savoir aux prises avec le plus fatigantc travail, celui de la nuit. Tout cela n’est pas gai, mon Victor adoré, je t’assure. Il y a des moments où je voudrais être dans un grenier avec un pot à beurre et un lit de sangle pour tout mobilier dans l’espoir de te voir au moins tous les jours. Ce n’est pas une exagération en l’air et pour dire quelque chose, je voudrais que cela fût possible et tu verrais si j’y manquerais. En attendant, je ne t’ai pas vu et je t’aime plus que ma vie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 193-194
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu ne [te] tue ».
b) « le remord ».
c) « fatiguant ».


19 mai [1845], lundi soir, 5 h. ¼

Je te verrai, je passerai une heure ou deux auprès de toi, mon Victor bien aimé, je suis joyeuse, je suis contente, je suis heureuse. Cependant, comme je ne peux jamais l’être sans restriction, j’ai l’affreuse crainte que ce bonheur ne se réalise pas. Je ne veux pas me porter malheur à moi-même en doutant à l’avance de la bonté de la providence, mais je ne serai vraiment sûre de mon bonheur que lorsque je me sentirai assise auprès de toi dans ta voiture. D’ici là, je suis très peu rassurée.
Jour, Toto, jour, mon cher petit o, je vous aime. Papa est bien i, je l’adore. Je voudrais déjà qu’il fût huit heures. Si je pouvais pousser les heures avec ma pensée pour les faire marcher plus vite, il y aurait déjà bien longtemps que nous serions ensemble roulant sur la route de Neuilly.
Je sais que je ne te verrai pas avant le dîner et s’il fallait que tu ne puissesa pas venir me chercher, je ne te verrais pas de la journée encore aujourd’hui. Oh ! je ne veux pas penser à cela, car mon pauvre cœur se resserre et mes yeux se mouillent malgré moi. Si le bon Dieu est juste, il me donnera cette joie ce soir. Il sait bien, lui, combien je t’aime et comment je t’aime. Confiance, espérance, c’est mon refrain pour ce soir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 195-196
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu ne puisse ».

Notes

[1« C’est à vous, Mère admirable, qui toujours ménagez à mes besoins sans cesse renaissants les grâces les plus abondantes. » (« Prière à Notre-Dame du Scapulaire » (1838) de l’abbé Corentin-Marie Le Guillou) [Remerciements à Gérard Pouchain.].

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne