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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 juin 1845

4 juin [1845], mercredi soir, 5 h. ½

Tu m’as donné un petit moment de joie bien court mais bien ravissant. Aussi je suis heureuse, je suis joyeuse. Il me semble que j’ai le paradis dans le cœur. Je ne m’aperçois pas du mauvais temps, je ne sens et ne vois que mon bonheur. Merci, mon Victor adoré, merci, vous avez une bien belle armoire et deux fameuses encoignures, mais moi, je suis plus riche que vous. J’ai un quart d’heure de bonheur. Je ne changerais pas avec vous quand vous me donneriez encore votre minet pour appoint.
J’ai écrit à ma péronnelle mais je crois que je serai forcée d’envoyer la lettre à la poste, car le jardinier ne vient pas. Le mauvais temps en est sans doute la cause. On n’a pas tous les jours la VOITURE d’un ami pour vous amener à Paris. Ça se comprend. Seulement je crains que ma pauvre fille ne reçoive pas sa lettre avant d’aller à son examen [1]. Enfin l’intention y était. Dieu et Duval en ont disposéa autrement.
Décidément, tu ne veux pas de mes deux vases pour tes deux encoignures ? Si tu veux, j’y joindrai celui de Mme Luthereau. Tu le mettras au milieu. Cela ne manqueras pas d’une certaine originalité, hein ? Le cœur t’en dit-il ? Je suis prête à en faire le sacrifice, mais pour TOI, pour toi SEUL et pour tes DEUX ENCOIGNURES. Voyons, décidez-vous. Plus tard vous ne me trouveriez peut-être pas aussi bien disposéeb. Profitez du moment. En attendant que vous fassiez vos réflexions, je me livre aux miennes et je me demande pourquoi le bon Dieu qui de toute éternité avait en vue de vous faire académicien et pair de France et de moi votre amoureuse vous a prodigué ce luxe de cheveux noirs et de jeunesse inutile pour cet emploi suranné tandis qu’il m’a comblée de cheveux plus gris et plus griffagnes les uns que les autres ? En vérité, le brave bon Dieu s’est trompé bien grossièrement et je le lui dirai un jour face à face avec toutes sortes d’invectives.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 257-258
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « en on disposé ».
b) « disposé ».

Notes

[1Claire est convoquée le 5 juin pour passer l’examen pour devenir institutrice, mais elle arrive en retard et ne peut se présenter à cette session. Elle est de nouveau convoquée le 12 juin où elle échoue.

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