Guernesey, 14 juin 1859, mardi matin, 7 h.
Bonjour, mon cher bien-aimé ; bonjour, ma joie bénie ; bonjour sur tes yeux, sur tes lèvres, dans ton cœur et dans ton âme. Comment as-tu passé la nuit, mon pauvre adoré ? Tu n’as pas encore ouvert ta fenêtre et je ne vois rien remuer dans ta chambre jusqu’à présent mais ce n’est pas une raison pour que tu aies passé une bonne nuit. Aussi je t’attends avec une tendre et inquiète impatience pour savoir si tu as mieux dormi cette nuit que toutes les autres. Quant à moi, j’ai très bien dormi mais cela ne me suffit pas et c’est surtout de ton sommeil dont j’ai besoin pour me bien porter et de ton bonheur pour être heureuse. Pense à cela, mon adoré, et tâche de te ménager beaucoup et de n’avoir pas de chagrin. Suzanne continue de faire des préparatifs de départ. Je voudrais déjà qu’elle fût partie pour qu’elle revienne plus tôt. J’espère qu’elle y mettra un peu de conscience et qu’elle ne s’attardera pas outre mesure. En attendant, je fais d’avance provision de courage et de patience, ce qui ne me coûtera pas beaucoup si je ne perds pas une minute du bonheur d’être avec toi.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16380, f. 144
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette