Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1844 > Juin > 29

29 juin 1844

29 juin [1844], samedi matin, 11 h.

Bonjour mon cher bien-aimé, bonjour le plus prometteur et le moins teneur des mortels, bonjour, je vous adore mais je vous en veux. Comment allez-vous ce matin, mon Toto chéri ? Comment vas-tu mon cher petit taquin ? Tu as cru que j’étais triste hier tandis que j’étais la plus heureuse des femmes, mais il y a des moments où mon bonheur est silencieux et recueilli sans que je sache pourquoi : voilà ce qui m’a fait repousser avec un peu d’impatience tes petites taquineries de cette nuit. Du reste, mon adoré, j’avais le cœur plein d’amour et de bonheur. J’espérais que tu reviendrais cette nuit, je me suis trompée. Si tu étais revenu, mon Victor bien aimé, tu aurais bien vu que je n’étais pas triste et que tu étais mon Victor toujours de plus en plus adoré. Je ne sais pas quand je te verrai mais je sais bien que je te désire de toutes mes forces. En attendant, je vais écrire à Brest pour remercier ces pauvres bonnes gens de leur galanterie [1]. Je serais bien heureuse si en échange de leurs excellents comestibles tu pouvais leur donner une place plus lucrative. Je sais d’avance que tu y feras tout ton possible ; après, Dieu et Villemain feront le reste, si cela leur plaît. En attendant ce moment, je t’aime, je t’aime, je t’aime et je t’aime. Viens le plus tôt possible.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 207-208
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette


29 juin [1844], samedi soir, 5 h. ½

Je ne t’en veux pas, je ne suis pas méchante, je te désire et je t’attends, voilà tout. Je ne peux pas dire que j’ai une envie démesurée de danser la Polka et de chanter Le Vin et les Belles [2] mais je suis résignée à mon sort, au moins au dehors, mais comme c’est ce qui le voit, c’est l’important ; le dedans s’arrange comme il peut, lui ; tant pis pour lui s’il ne s’arrange pas du tout.
J’ai écrit à tous mes bas-bretons tantôt et je les ai bien priésa de ne plus faire de folies pour moi. Vrai, cela me gêne et m’embarrasse, tous ces envois successifs ; en somme, cette pauvre sœur doit s’imposer mille petites privations pour m’envoyer toutes ces boustifailles et cela me contrarie.

30 [juin 1844], dimanche matin, 11 h. ¼

Entre cette lettre commencée si tristement et la fin, il s’est passé bien du bonheur, mon adoré, du plus pur et du plus vif. Je crois que je n’ai jamais été plus heureuse qu’hier. J’aurais donné autant d’années de ma vie qu’on aurait voulu pour en prolonger les minutes. Hélas ! Tout a une fin et surtout le bonheur. Il n’y a que le véritable amour d’éternel, je le sais à ce que j’éprouve. Plus je t’aime et plus je t’aime. C’est comme cela depuis le premier moment que je t’ai vu, je te trouve plus jeune, plus beau et plus charmant que tu n’as jamais été, je t’adore à genoux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 209-210
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « prié ». 

Notes

[1La sœur et le beau-frère de Juliette Drouet lui envoient régulièrement de bonnes denrées de Bretagne.

[2À élucider.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne