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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 mars 1844

24 mars [1844], dimanche matin, 10 h.

Bonjour mon Toto bien aimé, bonjour mon adoré petit homme, bonjour, comment va ta poitrine ce matin ? Ce ne sera pas sérieux je l’espère mais il est toujours triste de te savoir souffrant. Il faut venir boire de ta tisanea souvent, cela te calmera ta petite poitrine et moi cela me fera du bien au cœur. Tu as oublié ton bouquet cette nuit, mon amour, je le regrette parce que je voudrais que tu en profitassesb dans sa première fraîcheur. Il est très bien fait et très joli, c’est pour cela que j’ai tant de plaisir à te le donner. Car vous savez, mon Toto, que c’est moi qui vous le donne et non ma péronnelle [1].
Justement la voici qui revient de la messe. Elle m’apporte un bouquet de primevères qu’elle a acheté à la porte de l’église. Je ne veux pas la gronder pour ce petit excès de fleurs parce que je sens que c’est un grand plaisir pour elle que de me les donner. Il faut savoir accepter ces petites joies d’enfant même quand elles ne sont pas raisonnables. La raison est une grognon qui viendra toujours assez tôt pour elle. Bonjour, mon petit Toto chéri, bonjour mon amour adoré, bonjour je vous défends d’être malade ou je vous ficherai des coups. Je n’entends pas ça, moi. J’ai besoin d’un homme bien portant. Mettez cela à la sauce que vous voudrez mais c’est comme cela. Aimez-moi, baisez moi cher petit, buvez de la tisanec et ne souffrez pas, je vous l’ordonne.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 325-326
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « tisanne ».
b) « profitasse ».
c) « tisanne ».


24 mars [1844], dimanche après-midi, 5 h.

Mon cher petit homme bien aimé, je suis sous les armes, je vous attends avec mon pot de tisanea nouvelle d’une main et ma gomme arabique [2] de l’autre. Du reste, je suis seule avec ma péronnelle2 qui n’a pas l’air de s’en plaindre. Il va sans dire que tu n’es pas quelqu’un, toi, et que je ne te dis pas une naïve grossièreté en te disant cela.
J’ai reçu une lettre de Mme Luthereau, je t’attends pour l’ouvrir. Je suppose que c’est pour me dire qu’elle ne viendra pas aujourd’hui, ce que j’aurais vu de reste. Bonjour Toto, ne soyez pas malade, ne soyez pas coquet ou je vous fiche des coups. Je n’ai pas besoin, moi, que vous cherchiez à plaire à d’autre qu’à moi et je ne veux pas passer ma vie à me tourmenter sur votre santé. Pauvre ange du bon Dieu, ce ne sont pas mes tourments qui me tiennent au cœur, c’est parce que je ne peux pas supporter la pensée que tu souffres. Ta santé c’est ma vie. Soigne-toi bien mon bon petit homme adoré pour te guérir bien vite. Tâche de venir boire un peu de tisanea, cela te fera du bien. J’en ai là de toute prête et puis j’ai des baisers et des caresses tout plein mes lèvres qui ne demandent qu’à se répandre sur toute ta chère petite [carcasse ?].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 327-328
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « tisanne ».

Notes

[1Sa fille, Claire Pradier

[2Gomme arabique : Médicament à base de sève provenant d’un tronc d’arbre.

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