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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 mars 1844

10 mars [1844], dimanche matin, 9 h.

Bonjour mon petit Toto bien aimé, bonjour mon adoré petit homme, bonjour je t’aime et je t’adore. Je serais la plus heureuse des femmes si j’étais sûre de te voir à l’instant même. Hier je t’ai à peine vu et quoique j’aie eu ma fille avec moi toute la soirée, cela ne m’a pas empêchée de trouver la soirée aussi longue que la journée. Aujourd’hui j’aurai toutes ces jeunes péronnelles [1] mais cela ne m’empêchera de sentir ton absence et de regretter ta chère petite personne adorée.
Que je te remercie, non que je t’aime, de m’avoir donné ceta admirable Hugo Dundas [2]. Je l’ai lu hier après que tu as été parti, je viens de le relire tout à l’heure, mon cher amour que c’est beau ! Quand je pense que tu veux bien te laisser aimer par moi, pauvre Juju, je me sens pénétrée de reconnaissance et de respect.
Mon Victor adoré, toi si grand et si beau, comment peux-tu te contenter de l’amour d’une pauvre vieille bonne femme comme moi ? Il y a des moments où je ne peux pas y croire. Cependant je me rends cette justice que personne dans le monde ne pourrait t’aimer comme moi ; mais aussi après mon amour, il n’y a plus rien, je suis [un cœur ?] qui a des [pattes ?]. Voilà tout, on s’en aperçoit de reste à tout ce que je dis, n’est-ce pas ? Aussi pourquoi êtes- vous si grand, si beau, si admirable et si sublime ? C’est pas ma faute.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 273-274
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « cette ».


10 mars [1844], dimanche après-midi, 3 h.

Vous voyez bien, mon cher petit homme, que vous n’avez pas le sens commun car enfin vous venez à l’heure à laquelle vous ne pouvez pas prendre de tisanea. Encore si vous veniez après je ne me plaindrais pas, vous pensez, mais c’est que vous allez errer toute la journée sous la pluie et contre le vent avec vos poêles à marrons [3] dans les pieds puis vous reviendrez à minuit me dire que vous toussez et que vous êtes tout blaireux. À qui ce sera-t-il la faute, je vous le demande, heinb ? Pendant ce temps-là moi je m’évertue à vous tenir de la tisanea chaude. Je pousse des soupirs plaintifs à chaque ondée qui vous crève sur la bosse et je m’inquiète et je me tourmente pour un scélérat qui n’en vaut pas la peine. Taisez-vous vilain, je vous dis que vous êtes un monstre. Eh ! bien les coquillages ne sont pas venus [4], j’en étais sûre ! Espiègles de bas-bretons va ! Si je vous tenais je vous ficherais des sottises en veux-tu en voilà. Il ne manquerait plus maintenant que les péronnelles ne viennent pas. Cela me ferait rire tout juste parce que j’ai fait un festin de Balthazar et que je me suis levée trois heures plus tôt, le tout pour recevoir ces Pérettes-là. MALÉDICTION ! c’est sur vous que retombera ma fureur et ma vengeance. Méfie-toi Toto, tiens bien ta perruque.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 275-276
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « tisanne ».
b) « heim ».

Notes

[1Claire et sa servante.

[2« Hugo Dundas », poème composé par Hugo le 14 janvier 1844 (Toute la Lyre, I, 22).

[3Juliette compare les chaussures percées de Hugo aux poêles trouées dans lesquelles on fait griller les marrons.

[4Elle attend une livraison de coquillages envoyée par sa famille de Bretagne.

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