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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 janvier [1842], samedi après-midi, 1 h. ¼

Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon amour bien-aimé. Comment vas-tu mon petit homme ? Je n’ose pas te faire de reproches mais je voudrais bien te voir pour te baiser un peu. Pourquoi que tu n’es pas venu ce matin ? Je m’endors si tard toutes ces nuits dernières que j’ai toutes les peines du monde à me réveiller dans la journée et que j’ai un affreux mal de tête. Heureusement que je n’ai plus que 52 pages de votre livre à lire ce qui me permettra de m’endormir dorénavant avant quatre ou cinq heures du matin. Vous avez ajouté un paragraphe sur l’électeur de Brandebourg que je ne connaissais pas et que vous donnez sous forme de citation sans compter toutes les magnifiques petites intercalationsa que j’ai trouvéesb presque à chaque ligne et que je ne vous signale pas parce que ce serait trop long, mais qui vous prouve avec quelle attention et quel entraînement je lis votre livre admirable. Heureusement, je le répète, je n’ai plus que 52 pages à lire, car sans cela, j’aurais une fièvre cérébrale ou au moins une atroce migraine dans un temps très court. « Le vin des forts est le poison des faibles [1] ». Et moi j’use ma vie à admirer vos chefs-d’œuvrec. Vous devrez venir me rendre des forces en me donnant du bonheur. Quand viendrez-vous, mon toto ? Je voudrais que ce fut tout de suite, la journée me semblerait moins longue et moins triste, mais il y a peu de chance à ce que mon désir s’accomplisse ce qui ne m’empêche pas de vous aimer de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 63-64
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « intercallations ».
b) « trouvé ».
c) « chefs-d’œuvres ».


22 janvier [1842], samedi soir, 8 h. ¼

Mon cher petit bien-aimé, j’ai une mauvaise nouvelle à t’apprendre. J’ai vu Mlle Hureau qui est décidément en rupture avec Mme Devilliers, mais le pire c’est que son contrat d’association contient des conditions qui lui empêchent de reprendre ses anciennes élèves, quand bien même elle voudrait ou pourrait se rétablir, ce qu’elle ne paraît dans l’intention de faire au moins dans ce moment-ci. Je n’ai pas besoin de te dire combien cette nouvelle que j’attendais m’attriste et m’inquiète, car voilà le sort de ma pauvre fille remis en question et dans quel moment ! Au moment où elle avait besoin de toute l’affection de la personne qui l’avait élevée, au moment où elle a besoin elle-même d’aimer et d’avoir confiance dans celles qui la dirigeront à l’avenir. Je t’avoue qu’après ce qui intéresse notre amour, aucune nouvelle ne pouvait avoir autant d’importance pour moi. Comme toujours, mon adoré, je te demanderai et je suivrai tes conseils en cette occasion comme en toutes les autres, mais je suis fort tourmentée et fort triste. Je te raconterai en détails toute cette histoire où la vanité et la déloyauté de la vieille péronnelle jouent les principaux rôles. En attendant, mon pauvre adoré, je suis pleine d’adoration et d’admiration pour toi. Je t’aime d’amour comme le plus ravissant des hommes. Je t’aime avec respect et vénération et confiance, comme le bon Dieu. Je t’aime mon Toto. Quant te verrai-je ? Je ne serai pas tranquille tant que tu ne m’auras pas rassurée. Je ne serai pas heureuse tant que je ne t’aurai pas embrassé.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 65-66
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Citation de la Conclusion du Rhin, Œuvres complètes, vol. « Voyages », édition dirigée par Jacques Seebacher et Guy Rosa, Paris, Robert Laffont, 1985, 2002, p. 391.

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