Dimanche soir, 8 h. 10 minutes
Mon cher bien-aiméa, je ne suis plus triste, je ne suis qu’un peu souffrante, mais cela ne vaut pas la peine que tu y fasses attention. Ce n’est rien. Un mal de tête un peu plus tenace que de coutume, voilà tout. Mais ce qui est bien bon et bien vrai, c’est que je t’aime chaque jour davantage, c’est que si je voulais te dire tout ce qui se passe à la fois dans mon cœur et dans ma pensée, il faudrait tous les mots charmants qui sont dans toutes les langues connues, et encore cela ne suffirait pas, car j’ai dans mon âme des adorations sans nomb qu’on ne peut pas désigner avec des mots ou des idées.
Mon pauvre cher bien-aimé, je t’ai quitté, toi ayant tes yeux bien malades. Je me reproche cette souffrance comme un tort, comme s’il dépendait de moi de l’empêcher. Et cependant la vérité est que je ne peux pas être plus simple et plus économe que je ne suis, et plus disposée à faire tous les sacrifices nécessaires pour t’épargner une nuit, une heure, une minute de fatigue. Je voudrais te voir accepter plus largement les ressources que j’ai par devers moi. Cela donnerait le temps à tes pauvres yeux de se reposer et puis je serai bien moins tourmentée et plus heureuse. Pensez-yc. Et puis viens bien vite que je te baise, que je te caressed longtemps, beaucoup et partout.
Juliette
Je t’ai regardé en t’en allant à travers les carreaux, mais tu ne m’as pas vue.
BnF, Mss, NAF 16323, f. 285-286
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « Mon mon cher bien-aimé ».
b) « sans noms ».
c) « penser y ».
d) « caresses ».