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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 mars 1843

4 avril 1843, mardi matin 11 h.

Que dis-tu du temps ? C’est à en tourner le dos au bon Dieu. Il est impossible de se conduire plus mal et je commence à croire qu’il est abonné au National et au Constitutionnel. Je suis furieuse contre lui. Il perd beaucoup dans mon estime et dans ma confiance depuis Les Burgraves. Il ne faudrait rien moins qu’un second déluge d’ici à demain à l’ouverture des bureaux pour me dérider un peu mais demain, probablement, il fera un soleil ardent. Ça finit par en devenir bête.
Toi, tu conserves ton calme et ta sérénité au milieu de toutes les cabales humaines et célestes. Tu fais bien mon cher adoré ! Si je ne savais pas que c’est aux dépensa de ton repos et peut-être de ta santé, je ne m’en tourmenterais pas autrement. Mais c’est que je sais, mon cher bien-aimé, que chaque écu de moins dans la recette, c’est une heure de moins de ton sommeil et j’avoue que cette pensée m’irrite et m’exaspère au dernier point. Enfin, il faut vouloir ce qu’on ne peut empêcher et laisser faire au bon Dieu des temps et des journalistes à souhait pour la plus grande gloire et les plus grandes recettes d’une Juive [1]. C’est logique, de toutb temps, les chrétiens ont fait vœu de pauvreté et se sont résignés à tous les genres de martyres. S’il a pour ceux qu’il aime une tendresse amère, certes, il t’aime ardemment [2]. Mais moi je lui souhaite que le diable l’emporte pour lui apprendre à faire de la pluie et du beau temps aussi mal à propos.
Comment vas-tu mon bien-aimé ? As-tu pris un peu de repos cette nuit ? Comment vont tes beaux yeux adorés ? Je ne peux pas penser à toi, mon bien-aimé, sans avoir le cœur plein de pitié et de d’admiration pour le courage avec lequel tu luttes contre toutes les difficultés à la fois. J’ai peur cependant que tu n’y laisses un jour ta santé mon adoré petit homme. Tâche de t’arrêter et de te reposer un peu pour ma tranquillité.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16352, f. 7-8
Transcription de Olivia Paploray, assistée de Florence Naugrette
[Souchon, Massin]

a) « au dépend ».

b) « tous ».


4 avril 1843, après midi 1 h.

Je viens d’écrire à mon beau-frère [3] pour lui annoncer enfin le bien heureux exemplaire. J’ai aussi écrit à tous mes petits bas-bretons à chacun en particulier en leur envoyant à chacun son lot. Je joindrai tous ces petits gribouillis dans la caisse qui partira demain ou après probablement.
Mais quel temps ! Je n’en reviensa pas. Il m’est impossible de dire autre chose tant c’est une chose agaçante. C’est le miracle le plus ridicule, le plus absurde et le plus malencontreux qui se puisse voir. Décidément le bon Dieu est devenu par trop constitutionnel. Je le méprise. Tant pis pour lui. Je t’aime toi. Tu es toujours le plus noble et le plus grand des hommes. Je t’aime.
Te verrai-je bientôt mon amour ? J’ai faim et soif de toi. J’espérais que tu viendrais ce matin déjeuner avec moi malgré mes infirmités mais tu n’es pas venu. Tu n’avais cependant rien d’absolument urgent à faire ce matin il me semble ? À part cela, je sais bien que tu travailles toujours, mon pauvre adoré, je ne le sais que trop. Mais je voudrais te voir. Tâche de venir un moment dans la journée. Pense à moi mon Toto et aime-moi car illis. tu es toute ma joie et toute ma vie.
J’espère que notre petit Toto [4] ne se sera pas senti de la soirée d’hier ? Pauvre enfant si doux et si charmant, je ne veux pas qu’il souffre mais je voudrais le baiser depuis le matin jusqu’au soir en l’honneur de sa ravissante ressemblance avec toi que j’aime et que j’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16352, f. 9-10
Transcription de Olivia Paploray, assistée de Florence Naugrette

a) « revient ».

Notes

[1Référence à Judith, de Mme de Girardin.

[2Réplique du roi dans Marion de Lorme, Acte IV, scène 6 : « S’il a pour ceux qu’il aime une tendresse amère, / Certes, il m’aime ardemment ! »

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