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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 septembre, mercredi après-midi, 2 h. ½

Je pense à toi, mon amour, mon Toto, je prie Dieu pour que tu ne sois pas triste et pour que tu ne souffres pas.
Voici un affreux temps pour la santé et pour le cœur. Quant à moi, je ne sais pas me distraire à l’affreuse influence de ce temps sombre et froid. Aussi suis-je très grimaude et très malheureuse aujourd’hui. Je voudrais dans ces moments-là ne pas t’écrire pour ne pas faire rejaillir sur toi le découragement et la démoralisation dont je suis atteinte. Je voudrais dans ces cas-là que tu ne lises pas mes gribouillis. Dans tous les cas même, je ne désire jamais que tu les lises car ce n’est jamais qu’une espèce de parodie grotesque de l’amour ineffable et charmant que j’ai dans le cœur. Tu devrais me disputer de cette petite humiliation tous les jours. Cela ne m’empêcherait pas de t’écrire, au contraire, mais je n’aurais pas à craindre de te paraître ridicule et de t’ennuyer. Je t’écrirais tous les jours et plusieurs fois par jour pour mon plaisir à moi et puis le soir en ta présence je jetterais les lettres au feu. Ce serait bien mieux ainsi. J’aurais le plaisir de causer avec toi sans t’imposer la fatigue de m’entendre. Ce serait charmant. Il me semble que si tu veux y mettre un eu de franchise cela pourra s’arranger ainsi à la satisfaction de tous les deux.
Comment vas-tu, mon Toto, comment va ton œil ? Je voudrais bien te voir, mon pauvre amour. Ta vue adorée dissiperait bien des noirs et bien des tristesses que j’ai dans l’âme. Je n’espère pourtant pas que tu viendras avant ce soir un tout petit moment avant ton dîner. Il n’est pas encore trois heures, j’ai encore bien longtemps à te désirer. Tâche de penser à moi si tu peux, mon cher amour, et plains-moi de t’aimer trop. Je baise tes yeux, tes mains, tes pieds, la place où ils se posent. Je t’aime, je te bénis, je t’adore. Je voudrais mourir pour toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16352, f. 159-160
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

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